Ce genre de petites choses de Claire KEEGAN
Ce genre de petites choses
de Claire KEEGAN
Sabine Wespieser éditeur,
2020, 118 p.
Première Publication (vo) : 2020
Pour l’acheter : Ce genre de petites choses
Claire Keegan est une femme de lettres irlandaise, née en dans le comté de Wicklow, en Irlande. Auteure de nouvelles, elle a remporté de nombreux prix en Irlande et au-delà. Elle est membre de l’association Aosdána. (Wikipédia)
♣ Les trois lumières ♣
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Je ne vous retranscris pas la quatrième de couverture cette fois car je trouve qu’elle en dit beaucoup trop.
J’ai déjà pu découvrir la plume de Claire Keegan grâce à un de ses premiers textes publiés : Les trois lumières. J’y avais trouvé un portrait dur mais fidèle de ceux qui vivent dans la campagne irlandaise mais n’avais pas été époustouflée. J’ai retrouvé ici la rudesse de style mais je lui ai préféré ce dernier roman (ou novella ?) dont la thématique me parle davantage.
Hiver 1985 dans la campagne irlandaise. Bill, un père de famille nombreuse (des filles), vend du bois et du charbon dans la communauté. Ce jour-là, alors qu’il livre le combustible dans le couvent du coin, il assiste à une scène traumatisante : des jeunes filles visiblement maltraitées qui lavent le sol. L’image le hante. Il rentre chez lui et en fait part à sa femme qui refuse absolument d’en entendre parler ; ça ne les regarde pas.
Les rumeurs étaient déjà là dans les années 80 mais ce n’est qu’à la fermeture du dernier couvent de la Madeleine en 1996 que l’ampleur de la tragédie s’est révélée. Il faudra d’ailleurs attendre 2013 pour que le gouvernement, à travers la prise de parole du premier ministre irlandais, présente des excuses à toutes les femmes passées dans ces blanchisseries au cours du XXe siècle. Le chiffre avancé est de 10.000 victimes mais il est très possiblement sous-évalué.
Claire Keegan s’attaque à un traumatisme irlandais toujours brûlant et le fait par un biais un peu détourné. En effet, elle choisit le point de vue d’un homme, d’un père de famille, d’un individu lambda qui n’a de toute évidence, rien à voir avec les couvents (à moins que l’une de ses filles y soient un jour confrontée ?).
Bill a-t-il les moyens d’agir ? Le doit-il, quitte à jeter l’opprobre sur sa propre famille ? L’autrice pose la question de la responsabilité individuelle (et collective) dans les drames nationaux et je me suis demandée jusqu’à la dernière page, comment elle allait clôturer son récit.
Comme d’habitude avec Claire Keegan, le style est assez brut, sans fioritures. C’est plutôt rude mais c’est à l’image du « caractère » irlandais. Il n’est pas nécessaire d’utiliser beaucoup de mots pour peindre les scènes, il y a juste ce qu’il faut pour percevoir subtilement les émotions dans chacune des situations décrites.
J’ai aimé ce texte court qui laisse apercevoir plus qu’il n’offre à voir ; mais je ne suis pas certaine que les lecteurs qui ne connaissent pas du tout ce pan de l’histoire irlandaise, y trouveront satisfaction… Un goût de trop peu peut-être ?
Si le drame lié à ces tristement célèbres couvents de la Madeleine vous interpelle, je vous invite à visionner le film The Magdalene Sisters, qui lui montre et ne laisse aucune place à l’imagination ou Philomena qui entraîne sur un autre chemin. Quant aux autres romans abordant le sujet de façon plus ou moins détournée, je ne peux que vous conseiller Une seconde vie de Dermot Bolger, un de mes plus gros coups de cœur 2021 !