Au bal des absents de Catherine DUFOUR
Au bal des absents
de Catherine DUFOUR
Seuil (Cadre noir)
2020, 224 p.
Première Publication : 2020
Pour l’acheter : Au bal des absents
Catherine Dufour, née en à Paris, est une romancière, nouvelliste et informaticienne française. Elle écrit des romans et des nouvelles de fantasy, de science-fiction et de littérature blanche utilitaires. Elle est ingénieure en informatique, chargée de cours à Sciences Po Paris et chroniqueuse au Monde diplomatique. (Wikipédia)
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Claude a quarante ans, et elle les fait. Sa vie est un désert à tous points de vue, amoureux et professionnel ; au RSA, elle va être expulsée de son appartement. Aussi quand un mystérieux juriste américain la contacte sur Linkedin – et sur un malentendu – pour lui demander d’enquêter sur la disparition d’une famille moyennant un bon gros chèque, Claude n’hésite pas longtemps. Tout ce qu’elle a à faire c’est de louer la villa « isolée en pleine campagne au fond d’une région dépeuplée » où les disparus avaient séjourné un an plus tôt. Et d’ouvrir grands les yeux et les oreilles. Pourquoi se priver d’un toit gratuit, même pour quelques semaines ? Mais c’est sans doute un peu vite oublier qu’un homme et cinq enfants s’y sont évaporés du jour au lendemain, et sans doute pas pour rien.
A part son titre de fantasy loufoque Blanche-Neige et les lance-missiles, je ne connais que peu l’œuvre de Catherine Dufour mais j’ai l’impression que l’humour en est une des composantes importantes.
Ici c’est surtout de l’humour noir, assez grinçant. Car sous une histoire qui se veut fantastique, l’autrice balance contre le système qui dévore, tue à petit feu et suce jusqu’à la moelle. C’est une satire sociale aux dents acérées qui m’a convaincue quasiment d’un bout à l’autre bien que je lui ai parfois trouvé quelques longueurs.
Catherine Dufour nous propose une héroïne qu’on n’a pas l’habitude de trouver et qui pourrait même déranger. Claude n’est ni jeune, ni belle, ni entourée d’amis, ni particulièrement brillante. Elle a 40 ans, est dramatiquement pauvre, survit grâce à un RSA, subit les rendez-vous de sa conseillère Pôle Emploi, est un brin timbrée, n’a aucune ressources familiales ou amicales…
Par contre elle ne lâche rien, elle sait se montrer tenace jusqu’à l’entêtement. Maison hantée ou pas, elle a payé sa location alors elle compte bien en avoir pour son argent et profiter des chambres poussiéreuses et de la salle de bain déglinguée ! Non mais ! Et s’il faut mettre un ou deux coups de binettes de temps à autres pour arriver à ses fins, pas de problème, ses bras fonctionnent bien.
« Elle consulta la section « lieux hantés » de Wikipédia, puis visita chaque lien des deux premières pages de résultats, en commençant par maisonhantee.com et en finissant par « top 10 des biens immobiliers les plus flippants ».
Elle fit défiler les images correspondant à ses mots-clefs : toutes ressemblaient assez au logement de tante Colline, en plus décaties, avec parfois des éclairs et toujours de la brume.
Étrange, quand même, que les hantises touchent des châteaux, jamais des HLM. »
Au bal des absents alterne entre moments lents voire répétitifs – tous ces passages à la médiathèque… -, traits de génie à l’humour décapant et scènes nerveuses hyper dynamiques et un poil flippantes ! Alors finalement, je ne me suis jamais ennuyée, j’étais curieuse de tourner les pages pour continuer l’aventure et découvrir si Claude allait enfin pouvoir s’installer dans cette vieille baraque délabrée où une famille entière a disparu un an plus tôt.
D’ailleurs, je tiens à remercier Catherine Dufour car grâce à elle, je sais maintenant ce que viennent faire tous ces gens sur nos ordinateurs à la médiathèque. Je suis sûre qu’eux aussi cherchent à se débarrasser d’une entité fantastique et ont besoin de faire chaque jour de longues recherches sans queue ni tête et de constituer de longues listes de livres à lire et de films à voir pour trouver la solution à ce problème de maison hantée. Tout s’explique ! Tous nos usagers ont un peu de Claude en eux.
Outre ce pied de nez à la société qui aimerait faire disparaître les gens pauvres, les sans emploi, les paumés, les marginaux… bref, ceux qui gênent ; c’est aussi un livre bourré de références horrifiques. Et comme je n’en possède pas la moitié, je suis sûre que je suis passée à côté de plusieurs clins d’œil et traits d’humour.
Franchement, je crois que je n’aurais jamais lu ce titre sans sa sélection au Prix Imaginales des Bibliothécaires et j’aurais loupé quelque chose. Au bal des absents est difficile à classer et peut-être pas si facile d’accès. En tout cas il en dit sans doute beaucoup plus qu’il n’y paraît. Je l’ai trouvé imparfait (quelques passages répétitifs) mais tout de même divertissant et surtout, définitivement marquant !
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