Le Testament caché de Sebastian BARRY
Le Testament caché
de Sebastian BARRY
Folio,
2010, 410 p.
Première Publication (vo) : 2008
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Sebastian Barry, né le à Dublin, est un écrivain, dramaturge et poète irlandais. Il est l’auteur de pièces de théâtre (Boss Grady’s Boys, The Steward of Christendom, Hinterland), de romans (Macker’s Garden, The Engine of Owl-Light, The Whereabouts of Eneas McNulty…) et de poèmes, publiés depuis le début des années 1980. Souvent inspirées par des histoires de sa propre famille, les œuvres de Barry ont pour thèmes le mensonge, ou plutôt la vérité telle qu’elle est interprétée par chacun, la mémoire et les secrets familiaux. Leur décor est pour la plupart celui de l’Irlande au moment de son indépendance (1910-1930). (Wikipédia)
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Roseanne McNulty a cent ans ou, du moins, c’est ce qu’elle croit, elle ne sait plus très bien. Elle a passé plus de la moitié de sa vie dans l’institution psychiatrique de Roscommon, où elle écrit en cachette l’histoire de sa jeunesse, lorsqu’elle était encore belle et aimée. L’hôpital est sur le point d’être détruit, et le docteur Grene, son psychiatre, doit évaluer si Roseanne est apte ou non à réintégrer la société. Pour cela, il devra apprendre à la connaître, et revenir sur les raisons obscures de son internement. Au fil de leurs entretiens, et à travers la lecture de leurs journaux respectifs, le lecteur est plongé au cœur de l’histoire secrète de Roseanne, dont il découvrira les terribles intrications avec celle de l’Irlande.
En mars, j’ai continué ma découverte d’auteur irlandais pour The Irish Readathon. Après Dermot Bolger (Une seconde vie) et Colm Toibin (Nora Webster), je me suis lancée dans ce titre de Sebastian Barry ; et c’est ce dernier que j’ai trouvé le plus ardu à lire. Pas sur le fond mais dans la forme. J’ai aimé ce Testament caché mais je ne peux pas dire que ma lecture ait été totalement fluide.
Plusieurs récits s’entremêlent dans ce Testament caché.
Celui du Docteur Grene, le psychiatre de l’hôpital psychiatrique du Roscommon qui doit évaluer ses patients alors que le bâtiment insalubre va être rasé au profit d’un nouveau bâtiment beaucoup moins grand ; mais surtout celui de Roseanne, une vieille femme internée depuis des décennies. Pourquoi est-elle arrivée ici ? Quel est son passé ? Quelle est son histoire ? Est-elle apte à retrouver une vie civile « normale » ou doit-elle intégrer le futur nouvel hôpital ? C’est ce que le docteur et le lecteur vont découvrir au fil des pages, alors que la patiente se dévoile.
On découvre une enfant élevée dans la foi protestante, très proche de son père, gardien de cimetière et apparemment, relié à la couronne britannique. Les blessures de la guerre civile sont encore fraîches et dans la petite communauté de Sligo, très majoritairement catholique, la famille dérange. Elle est encore moins bien vue lorsque la mère, folle, est internée et que le père est retrouvé mort. Pourtant, Roseanne alors jeune adulte, réussit à trouver un emploi et des amis ; elle s’intègre. Tant et si bien qu’elle trouve l’amour et se marie. Mais les belles journées s’envolent, les malheurs arrivent dans les pas du père Gaunt, homme d’église un peu trop zélé.
Souvenirs qui lui font défaut ou anecdotes fantasmées pour amoindrir les traumatismes, le récit de Roseanne ne correspond pas toujours aux preuves matérielles et on ne sait pas toujours que croire ; mais qu’importe, c’est son ressenti et sa souffrance que l’on perçoit à travers les pages. Le roman ne manque pas d’émotions et plus les souvenirs de la vieille femme se dévoilent, plus le cœur des lecteurs se serre, horrifiés par ce qu’elle a pu subir.
Parce que dans cette Irlande rurale post guerre civile, alors que le conflit avec l’Angleterre est dans tous les cœurs, le religieux du coin a tous les pouvoirs. Surtout si la brebis égarée est une très belle jeune femme protestante attirant un peu trop les regards et vivant en marge de la société.
J’ai été évidemment touchée par l’histoire de Roseanne, jamais maîtresse de son destin mais encore plus car elle évolue entre la ville de Sligo et la petite bourgade de Strandhill, deux lieux que j’ai pu fouler en mai 2018. J’avais mes souvenirs en tête alors qu’elle décrit la vue qu’elle avait de sa fenêtre sur la tombe de la reine Maeve ou lorsqu’elle foule la plage de Strandhill. Je me suis donc forcément sentie plus immergée et donc plus impliquée dans son récit.
Les descriptions de l’Irlande sont efficaces et ne manqueront pas de vous embarquer ; en revanche, si vous n’êtes pas déjà un peu au fait de l’Histoire irlandaise (la guerre civile, le conflit nord-irlandais…) et ce qui en a découlé au XXe siècle pour la plupart des habitants de l’île, je pense que vous pourriez être un peu perdu ou en tout cas ne pas tout saisir des tensions autour de Roseanne et de son père.
Cette première incursion dans l’œuvre de Sebastian Barry est une belle réussite, très ancrée dans l’Histoire irlandaise, même si le style m’a parfois un peu prise au dépourvu. Je n’hésiterai pas à lire d’autres livres de l’auteur, si j’en ai l’occasion.
En revanche j’ai été très déçue par l’adaptation au cinéma (de 2016) qui n’a franchement rien à voir et prend quasiment le contre-pied car met l’accent sur la Seconde Guerre Mondiale au détriment de l’Histoire irlandaise… Une volonté d’internationaliser le récit peut-être ? Quel dommage !
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