Nora Webster de Colm TOIBIN
Nora Webster
de Colm TOIBIN
Editions 10/18
2017, 427 p.
Première Publication (vo) : 2014
Pour l’acheter : Nora Webster
Colm Tóibín, né le à Enniscorthy, dans le comté de Wexford, est un romancier, scénariste et journaliste irlandais. En tant qu’écrivain, il est lauréat d’un grand nombre de prix littéraires, dont le Los Angeles Times Book Prize, le prix Lambda Literary et le prix du Meilleur livre étranger pour Le Maître (The Master), paru en 2004. (Wikipédia)
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Irlande, fin des années 1960. Nora, qui élève seule ses quatre enfants depuis la mort de son mari, tente de refaire sa vie sous l’œil critique des habitants de la petite ville où elle vit depuis toujours. Opiniâtre et indocile, elle s’affranchit peu à peu des cancans et s’autorise de menues libertés : prendre des cours de chant, s’acheter une chaîne stéréo… La profondeur des émotions que soulève en elle la musique s’accorde au réveil de sa sensibilité et de sa personnalité.
Colm Toibin est un des grands noms de la littérature irlandaise contemporaines mais je ne l’avais jusqu’alors pas encore lu. J’ai vu l’adaptation de son Brooklyn (avec Saoirse Ronan, entre autres), mais je n’avais pas encore osé me plonger dans ses écrits. Voilà qui est chose faite avec Nora Webster et si ma découverte n’a pas été un coup de cœur, elle a tout de même été fort plaisante et m’a rassurée sur le style de l’irlandais, très fluide et facile d’accès.
Celle qui donne son nom à ce roman de plus de 400 pages est une femme quarantaine, tout nouvellement veuve. Mère de 4 enfants dans la campagne irlandaise de la fin des années 60, son quotidien était jusqu’alors à la maison, parfaitement réglé, à gérer le foyer et à se reposer sur son époux Maurice. La perte de celui-ci, son pilier depuis plus de vingt ans, entraîne un effondrement de son environnement mais bien vite, annonce des éclaircissements à l’horizon…
Nora s’est toujours sentie mise de côté, vivant uniquement dans l’ombre de son mari bien aimé que tout le monde adorait. Elle suivait alors ce qu’on lui disait de faire, sans faire de remous, discrète et a priori obéissante.
Dorénavant veuve, toute la communauté irlandaise s’attend à retrouver la même Nora mais, contre toutes attentes et malgré le poids des regards rivés sur elle, cette héroïne taiseuse continue à se faire discrète… mais n’en fait qu’à sa tête !
Elle peut parfois sembler effacée voire soumise mais n’en pense pas moins et n’hésite pas à agir contre les codes admis par la société. Nora s’émancipe de plus en plus, retrouve un emploi et redécouvre des plaisirs simples.
Les mois passent, elle fait son deuil et parvient à élever ses 4 enfants (les 2 filles aînées étudiantes à Dublin et les 2 garçons jeunes adolescents) en leur laissant assez de liberté pour leur apprendre l’autonomie tout en restant un pilier sur lequel ils peuvent compter. C’est dorénavant elle l’épaule sur laquelle se reposer et elle est parfaitement capable d’indépendance.
« Ce fut au bout d’un mois seulement, après quatre ou cinq leçons, qu’elle s’aperçut que la musique l’éloignait de Maurice, l’éloignait de la vie qu’elle avait eue avec lui, et de la vie qu’elle avait avec les enfants. Ce n’était pas seulement le fait que Maurice n’avait pas l’oreille musicale et que la musique était une chose qu’ils n’avaient jamais partagée. C’était l’intensité de ces moments ; elle était seule avec elle-même en un lieu où il ne l’aurait jamais suivie, même dans la mort. »
L’ensemble du roman est assez contemplatif et sur un rythme linéaire. Les mois passent, les enfants grandissent, la petite vie irlandaise continue sa routine, Nora évolue… pas de gros tournants et rebondissements là-dedans.
C’est malgré tout un titre accrocheur dont la force réside dans l’authenticité de ces scènes de la vie quotidienne et dans la justesse des émotions. L’immersion dans le comté de Wexford (au sud de Dublin, toujours sur la cote est du pays) est particulièrement réussie grâce aux décors côtiers et ruraux très présents. J’ai aussi aimé la toile de fond géopolitique qui met intelligemment en avant le conflit nord-irlandais comme devaient le vivre ceux qui étaient alors à des centaines de kilomètres, en République d’Irlande, et non en première ligne en Irlande du Nord : ils avaient les informations à la télévision, aux nouvelles, et ne se sentaient peut-être pas forcément très concernés (c’était loin de leur quotidien)… en tout cas au début, avant le Bloody Sunday de janvier 1972 qui a fait exploser les tensions.
Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre en me plongeant dans ce roman mais j’y ai finalement trouvé un portrait de femme très réussi car d’une grande justesse. Colm Toibin fait preuve de pudeur en écrivant l’émancipation de Nora Webster mais n’oublie pas de semer de belles émotions. C’est une fenêtre sur quelques années de la vie d’une femme, alors qu’elle connait un grand tournant. C’est réaliste, authentique… on y croit ! Nul doute que je lirai un autre livre de cet auteur et cette fois, sans aucune « appréhension » à propos du style !
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