Une seconde vie de Dermot BOLGER

Une seconde vie
de Dermot BOLGER

Folio,
2013, 355 p.

Première Publication (vo) : 2010

 

Pour l’acheter : Une seconde vie

 

Dermot Bolger, né en 1959, est issu de la classe ouvrière du faubourg dublinois de Finglas. Il se consacre à l’écriture depuis 1980, et est considéré comme l’un des auteurs irlandais les plus brillants de sa génération, souvent comparé à Joseph O’Connor ou Colm Toibin. Ses romans ont été traduits dans de nombreuses langues. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français aux Éditions Joëlle Losfeld : Toute la famille sur la jetée du Paradis (2008), Une seconde vie (2012), Une illusion passagère (2013), Le ruisseau de cristal (2014) et Ensemble séparés (2016), ainsi que les recueils collectifs qu’il a dirigés, Finbar’s Hotel (1999) et Une suite au Finbar’s Hotel (2000). (Joëlle Losfeld)

 

♣ ♣ ♣

 

Sean Blake réchappe de justesse à un accident de voiture à la suite duquel il a été, pendant quelques secondes, déclaré cliniquement mort. À son réveil, bouleversé, Sean perçoit le monde tout à fait différemment, comme s’il débutait une nouvelle existence. Mais ce n’est pas la première fois que Sean voit sa vie modifiée. À six semaines, il a été retiré à sa mère, une jeune fille forcée par la société et l’Église de le laisser à l’adoption. Avec le sentiment d’être devenu étranger à sa femme et à ses deux enfants, et très certainement en premier lieu à lui-même, Sean décide de partir à la recherche de cette mère dont il ne sait rien.


J’ai découvert ce livre il y a de nombreuses années grâce à Livreetmoi (merci !) qui m’avait très grandement vanté ses mérites suite à ma découverte du film The Magdalene Sisters. Il m’aura fallu attendre ces dernières semaines pour m’y plonger enfin et découvrir l’ampleur de la faute : tout ce temps perdu à ne pas l’avoir fait avant !
De ce mois de mars irlandais, si je ne dois retenir qu’une seule lecture, ce sera celle-ci… sitôt terminée, j’avais presque déjà envie de recommencer du début cette Seconde vie tant le récit m’a émue.

La vie offre une seconde chance à Sean alors qu’il a manqué mourir dans un accident de voiture… mais sa seconde vie n’avait-elle pas déjà commencé quelques semaines après sa naissance, au moment de son adoption par un adorable couple de Dublin ?
Alors qu’il a tout pour être heureux, le trentenaire se réveille à l’hôpital, changé. Sa vie n’a plus de sens et n’en retrouvera pas tant qu’il n’aura pas fait la lumière sur sa naissance et surtout, sur l’identité de sa mère biologique.

« Elle est peut-être encore dans le couvent où elle vous a eu, dit la plus âgée des femmes. Certaines d’entre nous ne repartaient jamais : elles ne savaient pas qu’elles en avaient le droit ou peut-être les avait-on poussées à une telle honte d’elles-mêmes qu’elles en avaient perdu toute volonté. Dans la blanchisserie où mon enfant est né, il y en avait une qui était là depuis trente-quatre ans. Un prêtre l’y avait amenée quand elle avait seize ans. Elle n’avait même pas eu d’enfant, mais ses parents étaient morts et elle s’était retrouvée seule au milieu de ses frères. Elle était considérée comme une trop grande tentation. Elle travaillait douze heures par jour dans la blanchisserie du couvent : une véritable esclave, les religieuses ne lui ont jamais payé un sou. Elle les remerciait tout le temps, tellement elle craignait qu’elles la chassent. Elle était reconnaissante du moindre signe d’affection. Je n’ai jamais oublié son visage ; je ne l’oublierai jamais. »

On découvre celle-ci à travers quelques chapitres dispersés dans le roman. Londonienne depuis des décennies, veuve depuis peu, mère de 3 grandes filles, elle n’a jamais pu faire le deuil de son premier enfant, abandonné malgré elle.
Elle a fui et caché son passé pendant plus de 30 ans mais les secrets la rattrapent, aussi vite que la maladie qui la ronge. Elle se remémore son adolescence irlandaise, sa faute, sa honte, son bannissement, sa fuite, sa douleur, son chagrin, son désespoir… elle erre chaque jour dans les rues de Londres, portant son vieux manteau élimé, convaincue que son fils ne pourra la retrouver que si elle arpente la ville.

Sean délaisse sa vie présente, fouille dans ses souvenirs, déterre des secrets, se confronte à une ancienne société catholique irlandaise fermée qui se débarrassait de ses femmes gênantes (et « perdues ») en les enfermant dans des couvents. A mesure qu’il avance sur les traces de sa mère, la colère supplante la tristesse. Sa vie lui a été volée, la sienne et celle de cette parente aimante qu’il n’a jamais pu rencontrer.
Et pourtant, les religieuses des tristement célèbres blanchisseries de la Madeleine n’étaient-elles pas, elles aussi, victimes et esclaves d’une société ancrée dans ses traditions ?

« Je ne participe pas à ce que vous appelez l’amnésie collective, dit-elle. J’étais novice, à l’époque. Je venais d’une famille pauvre, ma vie n’était pas un lit de roses. Le système de classes était simplement le même ici que n’importe où ailleurs. Je suis passée par les blanchisseries des couvents de la Madeleine d’Athlone et de Roscrea, où les femmes étaient souvent enfermées à vie. Certaines avaient eu des enfants illégitimes, d’autres étaient tombées dans la prostitution. Mais souvent – comme je le compris plus tard -, elles s’étaient simplement trouvées en travers du chemin de leurs proches, sœurs trop laides pour être mariées ou tantes considérées comme bizarres. Certaines des religieuses de ce couvent étaient parmi les êtres les plus bêtes, les plus ignorants que j’aie connus. Pas toutes – j’en ai aussi rencontré de très bien, de très aimantes, des femmes qui reconnaissaient le système dans lequel elles étaient piégées et essayaient d’y faire le plus de bien possible. »

Dermot Bolger nous parle d’adoption, d’abandon, de maternité mais aussi de paternité et évidemment de quête d’identité ; et il le fait avec une grande émotion, beaucoup de sensibilité, d’intelligence et surtout avec une immense justesse. Quelle merveille que ce roman ! Quelle beauté !

Si The Magdalene Sisters et Philomena sont des films qui vous ont touchés, n’hésitez pas à vous plonger au cœur de cette Seconde vie. Le propos y est rempli de nuances de gris et encore une fois, d’une grande profondeur. Un coup de cœur ! <3

3 réflexions sur “Une seconde vie de Dermot BOLGER

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