Les Affamés de Silène EDGAR
Les Affamés
de Silène EDGAR
J’ai lu (Nouveaux Millénaires),
2019, 256 p.
Première Publication : 2019
Pour l’acheter : Les Affamés
Fille et sœur d’auteurs, Silène Edgar a grandi dans une maison dont les murs sont faits de livres. Nourrie de voyages, elle a bourlingué un peu lors de ses études de lettres, et après quelques années à droite à gauche, dont une superbe escapade d’un an à Tahiti, elle a finalement posé ses valises près de Guérande. Elle enseigne aujourd’hui dans un petit collège du marais briéron, dont l’atmosphère est propice à l’imaginaire. (Les Imaginales)
♣ Féelure ♣
♣ ♣ ♣
Auteur à succès, Charles noie son ennui dans l’alcool, le tabac, la bonne chère et les conquêtes faciles. Un style de vie proscrit depuis que les Lois de la Santé ont mis le pays au régime sec : travail et nourriture saine pour tous, sport obligatoire et interdiction formelle de nuire à sa santé. Mais Charles est adulé par les foules, alors on le laisse faire… jusqu’au jour où un politicien aux dents longues décide de censurer la production littéraire. Commence alors pour l’écrivain une descente aux enfers qui lui donnera à voir l’envers du décor de cette société prétendument idéale.
J’ai terminé l’année 2019 sur une note de science-fiction grâce à Silène Edgar. Des thématiques et réflexions intéressantes pour ce court roman mais tout m’a semblé beaucoup trop centré sur le personnage principal. Petite déception donc face au manque d’ampleur.
Une société idéalisée qui reproduit les mêmes travers
Et si dans quelques années, suite à une révolution verte, notre société était beaucoup plus saine/healthy ? Après tout, nous sommes nombreux à rêver de plus d’écologie, de consommation responsable et tout ce qui s’en suit.
Oui, mais si dans cette société idéalisée, les dérives extrémistes faisaient leur apparition ? Et si les libertés étaient bafouées, chaque geste étant surveillé et imposé ? Nourriture saine et bio, séances de sport quotidiennes obligatoires et surtout interdiction de consommer les produits néfastes (alcool, tabac…). Grâce à cette société et à ses Lois de Santé, la mortalité a drastiquement diminué et les dépenses publiques se portent infiniment mieux. Oui, mais les discriminations sont de retour, les corruptions sont plus nombreuses que jamais et la censure repointe le bout de son nez. De l’utopie naît la dystopie.
L’écrivain puissant qui risque de tout perdre s’il n’accepte pas la censure

Charles, l’écrivain à succès, n’a que faire des inégalités sociales. Il fait partie des puissants (c’est un « Utile classe 5 »), il peut donc se permettre tout ce qu’il veut, il multiplie les passe-droits. Alcool, bouffe grasse et sexe à volonté. Sa petite vie est bien réglée dans un très chic appartement auprès d’une femme mondaine qu’il n’aime plus mais qui lui offre une belle image de couple riche et épanoui. Ses médecins le mettent en garde mais qu’en a-t-il à faire, lui, le Grand Charles ? Tout lui réussit.
Mais le gouvernement prévoit de durcir ses lois et la future rentrée littéraire risque d’en pâtir. Moins d’écrivains rémunérés (la plupart rétrogradés), davantage d’écrivains contrôlés… il va falloir être approuvé par le gouvernement. Et autant dire que Charles ne fait pas l’unanimité, ses écrits étant jugés trop sulfureux, trop peu politiquement corrects. Si l’écrivain à succès ne revoit pas sa copie, peu importe sa célébrité, il perdra sa cage dorée et rejoindra le caniveau.
Des thématiques et un propos général un peu étouffés par l’ego du héros
J’ai aimé que Silène Edgar s’interroge sur les dérives d’une société – aussi idéale semble-t-elle de prime abord – et sur la question de la censure, de la liberté. J’ai aimé qu’elle place une partie de son récit au sein d’un rassemblement de militants et qu’elle interroge l’impact des actions individuelles sur le collectif.
Oui, j’ai aimé les thématiques et le propos de façon générale. Mais j’ai été un peu déçue par leur portée, trop peu étendue à mon goût. J’ai eu l’impression que tout était beaucoup trop auto-centré sur l’ego de Charles qui est certes le personnage principal, mais qui manque tant de dynamisme, de combativité et de niaque ! Qu’il est mou cet écrivain sur le déclin !
Alors oui, je peux comprendre le traitement de ce personnage qui n’est pas un jeune adolescent qui n’a peur de rien et sauve le monde en 24 heures ; Silène Edgar propose une figure adulte crédible dans ses hésitations et sa posture… mais peut-être aurais-je préféré suivre également d’autres acteurs de cette histoire pour élargir un peu le propos. Parce qu’en tournant la dernière page, j’ai eu comme l’impression d’avoir goûté à une histoire qui avait tous les ingrédients pour être grande mais qui ne s’élève jamais vers les sommets. Quel dommage !
En revanche, je reconnais une jolie plume à l’autrice et je retiens quelques passages descriptifs efficaces grâce auxquels je n’ai eu aucun mal à me projeter au cœur de l’histoire.
C’est donc mitigée mais tout de même forte de quelques réflexions que j’ai refermé les Affamés. Je n’hésiterai pas à relire Silène Edgar, je pense qu’elle a beaucoup à dire et à insuffler dans ses histoires mais j’espère la prochaine fois y trouver des personnages qui auront un peu plus de poids et de niaque.
Oh…. j’habite tout près de Guérande… je ne savais pas que cette auteure était d’ici !
J’avais lu 14/14 qui m’avait bien plu…. je m’arrêterai sur celui-ci si je le croise 😉
Bonnes lectures !
BIsous