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Je suis ton ombre de Morgane CAUSSARIEU

Je suis ton ombre
de Morgane CAUSSARIEU

Mnémos,
2014, 282 p.

Première Publication : 2014


Pour l’acheter : Je suis ton ombre


Morgane Caussarieu, née le  à Vieux-Boucau-les-Bains dans les Landes, est une romancière, essayiste et traductrice française, spécialiste du vampire et des scènes undergrounds. (Wikipédia)


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Le Temple, petit village du Sud-Ouest, ses plages, ses blockhaus, son unique bistro, son école où la violence est le seul remède à l’ennui. Poil de Carotte y vit seul avec son père handicapé. Gamin perturbé aux penchants sadiques et souffre-douleur de ses camarades de classe, sa vie bascule lorsqu’il se rend dans une ferme calcinée en lisière de forêt. Des fantômes y rôdent, paraît-il. Mais en lieu et place de revenants, il découvre un étrange journal rédigé par des jumeaux, il y a trois cents ans. Leur vie sauvage et heureuse à La Nouvelle-Orléans tourne au cauchemar lorsqu’un marquis décadent les prend à son service.Plus Poil de Carotte avance dans sa lecture, plus des événements étranges surviennent : un chat noir qui parle, une voix qui lui chuchote la nuit à l’oreille, un enfant au teint trop pâle et aux lèvres trop rouges… Et s’il avait réveillé des forces aussi malsaines qu’attirantes ?


Alors que je l’ai croisée plusieurs fois en salons du livre, je n’avais encore jamais découvert l’univers de Morgane Caussarieu… jusqu’en octobre dernier puisque j’ai profité du Pumpkin Autumn Challenge 2019 et surtout de la période d’Halloween pour me plonger – en lecture commune avec Monsieur Loup – dans Je suis ton ombre.
Je connaissais la réputation de l’autrice et son look fait le reste alors je n’ai pas été particulièrement surprise par les scènes trash et glauques rencontrées au cours de ma lecture ; mais sont-elles toutes utiles ? Ça, je me le demande encore.

Poil-de-Carotte : la victime qui devient bourreau…

Poil-de-Carotte est un jeune adolescent souffre-douleur. Il me semble qu’on ne nous livre d’ailleurs jamais son véritable prénom ; tous ne voient de lui que sa couleur de cheveux. Clin d’œil également à l’œuvre emblématique de Jules Renard dont le jeune héros n’est pas sans rappeler notre adolescent du XXIe siècle : enfant délaissé, grandissant dans la solitude, proche des animaux et surtout… victime qui se transforme petit à petit en bourreau sadique grâce à quelques prédispositions assez inquiétantes.
Le Poil-de-Carotte de Morgane Caussarieu vit seul avec un père handicapé dans une vieille baraque isolée et délabrée, employé aux corvées, malmené au collège avec pour seul et unique ami, un autre paria de la cours d’école, David le « p’tit gros ». On sent l’enfant qui a connu un drame – où est le reste de la famille ? Que sont-ils devenus ? – et qui se raccroche encore un peu à la normalité et à la « bienveillance » mais qui, à cause de son environnement et surtout à cause de la lecture d’un ancien journal intime découvert dans la ferme hantée d’à côté, va franchir la ligne et définitivement passer de l’autre côté.
C’est clairement un anti-héros, un personnage détestable auquel on tente d’abord de trouver des excuses mais qui, par ses propos et gestes, devient « irrécupérable ». Je ne me suis donc pas attachée à lui mais je n’ai pas pu lâcher le livre avant de connaître le fin mot de l’histoire. Les dernières lignes ont d’ailleurs fait évoluer mon ressenti puisque c’est finalement de la pitié que j’ai éprouvée pour lui.

…aidé par un journal intime rédigé 300 ans plus tôt !
Morgane CAUSSARIEU, portrait trouvé sur le site des éditions du Chat Noir.

Si Poil-de-Carotte semble plutôt prédisposé à devenir un adolescent infréquentable (c’est peu dire), la lecture d’un journal intime bien particulier sera l’élément qui mettra le feu aux poudres. Comme s’il ne manquait que l’étincelle pour qu’il découvre son vrai « lui » et se révèle aux yeux de tous (ce qui n’est pas sans rappeler ma lecture précédente de Dévoreur dans laquelle un homme « normal » voyait ses pires instincts sortir de l’ombre et se transformait en Ogre).
Ce journal est rédigé par un autre enfant, un poil plus jeune mais vivant à des milliers de kilomètres de la Gironde et quelques centaines d’années plus tôt. Il est né à la Nouvelle-Orléans et vit en parfaite osmose avec son frère jumeau, auprès de leurs parents biologiques et surtout de la maîtresse de leur père : une esclave indienne. C’est l’arrivée d’un riche propriétaire terrien possédant de nombreuses plantations et de nombreux esclaves noirs qui commencent à s’attacher à eux qui est l’élément déclencheur de tout le reste.
Poil-de-Carotte découvre l’histoire des deux frères, histoire qui semble trouver un écho en lui… d’autant plus qu’en parallèle de cette lecture, quelques phénomènes étranges se mettent en place autour de lui : un chat noir qui parle, une apparition fantomatique, des visions dans ses rêves…

J’avoue que pendant une très grande partie du livre, je me suis demandée si notre jeune héros n’était pas un sociopathe (ou un schizophrène) en puissance qui imaginait le tout pour justifier ses actes… et c’est clairement une explication qui m’aurait séduite. Mais non, le surnaturel est là et bien admis sous la plume de Morgane Caussarieu.
Et finalement, les origines et l’utilisation qu’elle offre à certains mythes « fantastiques » m’ont convaincue. Je ne m’y attendais pas et ressors donc satisfaite de ma lecture.

Un livre, deux narrations, deux histoires

J’ai aimé le découpage du livre en deux narrations distinctes. La première dédiée au présent de narration de Poil-de-Carotte est plein de verve, dans un style très oralisant (presque de l’argot), très dynamique. La deuxième (en italique) correspond aux pages du journal intime prenant place à la Nouvelle-Orléans quelques siècles plus tôt ; c’est donc dans un langage plus soutenu et malgré l’utilisation là aussi du point de vue interne, c’est plus un « nous » qu’un « je » auquel nous avons affaire.
La plume de Morgane Caussarieu est très efficace. Les personnages s’animent sous nos yeux, les scènes fonctionnent parfaitement. Ce qui occasionne des moments malsains puisqu’à l’atmosphère un peu creepy/crado, l’autrice ajoute des passages carrément glauques et peut-être un peu poussés à l’extrême alors que ce n’était peut-être pas forcément utile. Je pense à la mort de la ponette (était-il nécessaire qu’elle soit pleine ?) ou au viol dans le blockhaus. Entre autres scènes et sans vouloir trop en dire.

Une première incursion réussie dans l’univers de Morgane Caussarieu. Et un titre que je recommande pour l’automne prochain, l’atmosphère crado/creepy/malsaine s’y prête particulièrement bien. Mais attention, âmes sensibles s’abstenir, rien ne nous est épargné !



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