A la ligne de Joseph PONTHUS
A la ligne
Feuillets d’usine
de Joseph PONTHUS
Editions de La Table Ronde,
2019, 272 p.
Première Publication : 2019
Pour l’acheter : À la ligne
Joseph Ponthus, né en à Reims, est un écrivain français, désormais installé en Bretagne. Il a reçu en 2019 le Grand prix RTL-Lire 2019, le prix Régine-Deforges, ainsi que le prix Jean Amila-Meckert, et le Prix du premier roman des lecteurs des bibliothèques de la Ville de Paris, pour À la ligne, son premier roman. (Wikipédia)
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À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer.
Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.
J’avais déjà tenté la lecture de textes à la forme libre, de pages sans paragraphes et alinéas, de paragraphes sans ponctuation et respiration… et ça n’avait pas été une franche réussite (Belle du Seigneur d’Albert Cohen pour ne citer que lui). C’est donc avec curiosité mais scepticisme que j’ai ouvert A la ligne, faisant malgré tout confiance aux conseils d’une collègue.
Sous la forme d’un long poème en prose
Ce texte, court, se lit d’une traite, d’une tirade. Presque à haute voix, comme une incantation. La ponctuation est absente mais Joseph Ponthus nous aide : chaque nouvelle phrase est pour lui l’occasion de revenir à la ligne. A la ligne pour recommencer une nouvelle idée, recommencer une nouvelle action, recommencer une nouvelle journée. Mais finalement, pas beaucoup de nouveautés à chaque nouvelle ligne, plutôt la répétition de ce qui fut hier, ce qui est aujourd’hui et ce qui sera demain. A la ligne pour rappeler, comme un rythme scandé, la répétition du quotidien. L’abrutissement du travail sur les lignes de production, en usine.

Le quotidien des petits travailleurs invisibles
Joseph Ponthus nous offre un témoignage autobiographique, le récit du quotidien d’un ouvrier intérimaire en usine. Les diplômes d’éducateur oubliés, l’appel de l’intérim, l’embauche le lendemain matin aux aurores, la multiplication des contrats, l’adaptabilité instantané du corps et du cœur aux nouveaux postes, l’épuisement général, l’attente impatiente du moment de la débauche, les lendemains précaires, les week end trop courts… Et tout recommence le lundi.
A la ligne c’est le témoignage parfois drôle, souvent émouvant et révolté, du quotidien de tous ces petits travailleurs invisibles qui acceptent l’ultra précarité parce qu’il le faut bien. C’est la vie et le corps sacrifiés parce qu’il faut bien manger et payer le loyer.
A la ligne c’est aussi les moments de bonheur simple, sous-entendus plutôt que décrits mais avec un impact immense : celui de l’évasion et de la liberté de l’esprit. Les retrouvailles quotidiennes avec sa femme, la balade du chien et surtout, la littérature.
La littérature comme source de liberté
Joseph Ponthus remplit son quotidien – et donc son texte – de références et de citations d’auteurs. La littérature ne le quitte jamais vraiment, c’est une compagne fidèle et réconfortante sur la ligne de production. C’est un peu l’avantage de l’abrutissement de la répétition du travail à la chaîne : la liberté de l’esprit à défaut de la liberté du mouvement.
Le témoignage percutant d’une réalité sociale que nous sommes plusieurs à connaître/avoir connue et une ode à la littérature qui offre des instants de bonheur, fugaces mais indestructibles, quelle que soit la difficile réalité du quotidien.
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