La Muse de Rita CAMERON

La Muse
de Rita CAMERON

Milady,
2018, 507 p.

Première Publication (vo) : 2015

 

Pour l’acheter : La Muse

 

Dans son enfance, Rita Cameron admirait les femmes éblouissantes des tableaux préraphaélites et passait des heures à imaginer les vies romantiques des artistes qui les avaient peints. Elle a étudié la littérature anglaise à l’université de Columbia et le droit à l’université de Pennsylvanie. Mais à l’instar de nombreux juristes, elle rêvait d’écrire un roman. Elle vit actuellement à San Jose, en Californie, avec son mari et leurs deux enfants. Elle aime la randonnée, visiter des caves viticoles et découvrir l’histoire locale. (Milady)

 

♣ ♣ ♣

 

Avec son teint diaphane et sa longue chevelure cuivrée, Lizzie Siddal n’a rien de l’idéal victorien aux joues roses. À l’atelier de chapellerie, Lizzie assemble des coiffes somptueuses destinées à de jeunes élégantes fortunées. Un jour, elle attire l’attention du peintre et poète préraphaélite Dante Gabriel Rossetti. Envoûté à la fois par sa beauté sublime et ses dons artistiques, celui-ci l’entraîne dans l’univers scintillant des salons et des soirées bohèmes. Mais incarner la muse que tous les artistes rêvent d’immortaliser se révélera bien plus cruel que tout ce que la jeune femme pouvait imaginer.


Si vous êtes un.e habitué.e de ce blog, vous savez sans doute que le mouvement préraphaélite est mon préféré entre tous. La bannière est là pour le prouver, bien que le peintre John William Waterhouse soit affilié au mouvement et non membre officiel.

J’ai récemment lu Autumn de Philippe Delerm qui prenait déjà place au sein du cercle préraphaélite, entre les artistes, leurs muses et leurs proches et j’avais adoré cette vision d’ensemble, pleine d’intensité et habitée par un magnifique élan créatif. Mais j’ai trouvé ici, grâce à Rita Cameron, une intimité encore plus grande et donc encore plus d’émotions fortes. Je suis ressortie tremblante de ce livre, définitivement marquée par cette histoire et certaine que j’y reviendrai un jour, pour une relecture à un prochain moment de ma vie.

Une plongée dans un cercle d’artistes bohèmes
Portrait de Elizabeth Siddal par Dante Gabriel Rossetti, 1854.

Pourtant, toujours pas de point de vue interne ici, mais tout de même un focus sur la relation entre Dante Gabriel Rossetti et Elizabeth Siddal. Si Philippe Delerm et la mini série Desperate Romantics nous offraient une vue d’ensemble, passant un peu de temps auprès d’autres artistes et d’autres couples du cercle, Rita Cameron se concentre uniquement sur Rosetti et Lizzie. Et encore plus sur cette dernière.
On croise donc brièvement les peintres Millais et Hunt, un peu plus le critique d’art Ruskin, la serveuse (prostituée ?) Annie Miller et la famille proche du couple ; mais le lecteur est surtout enfermé dans le huis-clos et la vie assez introspective d’Elizabeth Siddal, marquée par la vision artistique de Rossetti qui souhaitait peindre la nature, la lumière et la beauté, loin des définitions restrictives imposées par l’académie officielle. Une vie marquée par une quête artistique, une vie de bohème. Et quelle vie !

L’incarnation de la Béatrice de Dante

Non considérée comme une « belle femme » selon les standards de l’époque, Lizzie marque pourtant les esprits grâce à sa silhouette élégante, son allure charismatique et surtout, cette épaisse chevelure rousse symbole de toutes les ambiguïtés. Lorsque Rossetti la croise la première fois, elle lui apparaît comme une incarnation de la Béatrice de Dante Alighieri (l’auteur de la Divine Comédie, qu’il est justement en train de traduire), une figure médiévale idéalisée et rêvée.
Dès lors, Rossetti n’aura de cesse de courir après cette vision. Lizzie sera l’instrument qui transcendera son œuvre et lui permettra de traverser les époques. L’a-t-il véritablement aimée, elle, Elizabeth Siddal, ou ne voyait-il en elle que sa Béatrice idéalisée ? Difficile à dire. Je préfère penser qu’il y avait au moins une petite réciprocité même si les éléments ici apportés par Rita Cameron (pour la plupart largement romancés) font tout de même parfois douter des sentiments du peintre pour sa muse.
Quant à Lizzie, jeune femme passionnée de littérature, d’art et de poésie, elle vécut sans doute plus de moments difficiles que de longues périodes de bonheur mais sa rencontre avec le cercle préraphaélite changea le cours de sa vie.

Beata Beatrix, Dante Gabriel Rossetti, 1872 (peint après la mort de Lizzie).
Lizzie et Rossetti, une passion tragique

J’aurais pu me scandaliser en découvrant sa situation, j’aurais pu avoir envie de lui ouvrir les yeux, j’aurais pu lui hurler de fuir un destin tragique et de se tourner vers un autre homme, plus stable… mais en fait non, je crois que je l’ai comprise. J’ai donc été particulièrement touchée par le côté introspectif du texte. Rita Cameron parvient parfaitement à décrire les pensées et émotions qui peuvent traverser la jeune femme. Quelle intensité là-dedans !
Alors oui, l’histoire finit mal. Je ne spoile pas, La Muse retrace la vie de figures ayant réellement existé, au milieu du XIXe siècle en Angleterre (le contexte historique n’est pas tellement mis en avant, c’est plutôt la recherche artistique de cette époque qui l’est !). Oui c’est tragique, oui c’est infiniment triste et parfois révoltant. Mais mieux vaut une passion qui détruit qu’une vie d’ennui, non ?

Une muse mais aussi une artiste talentueuse !

Outre la retranscription de la relation entre Lizzie et Rossetti, j’ai aussi beaucoup apprécié que Rita Cameron s’attarde sur une facette méconnue de la vie de la jeune femme. Jusque là, Elizabeth Siddal était surtout connue comme « la muse de Rossetti » (et des autres peintres préraphaélites) mais elle était elle-même une jeune artiste talentueuse, d’une grande sensibilité et ses œuvres (ses dessins, ses peintures, ses poèmes) étaient habitées d’une force remarquable, reconnue par Ruskin lui-même ! Elizabeth Siddal n’était pas que « la muse », elle n’était pas qu’une femme amoureuse ; mais une femme de chair et de sang, une artiste à part entière. Je remercie l’autrice de nous le rappeler.

La Muse c’est l’histoire tragique d’une passion amoureuse qui nourrit autant qu’elle détruit, au cœur de l’Angleterre, au milieu du XIXe siècle, dans les cercles d’artistes bohèmes. La Muse c’est l’histoire d’une femme dont l’image sacralisée a traversé les siècles et qui est irrémédiablement associée aux œuvres qu’elle a inspirées car sans Elizabeth Siddal, le mouvement préraphaélite n’aurait sans doute jamais pris son envol.

 

3 réflexions sur “La Muse de Rita CAMERON

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