Chroniques d’Oakwood de Marianne STERN
Chroniques d’Oakwood,
dans l’ombre de la Demoiselle
de Marianne STERN
Editions du Chat Noir,
2013, 199 p.
Première Publication : 2013
Pour l’acheter : sur le site de l’éditeur !
Physicienne de formation, Marianne Stern a changé de voie en cours de route pour rejoindre ses véritables passions, l’aviation et les machins volants. Lorsqu’elle a du temps à disposition, elle écrit, fait fumer ses guitares, ou écoute du heavy metal. Avide de lecture depuis toujours, elle collectionne chaque livre qu’elle dévore au point de ne plus savoir ou les entreposer. Sa prédilection va au fantastique, à la science-fiction, ainsi qu’à quelques thrillers militaires peu recommandables. Fascinée par les nuages, c’est bien souvent dans le ciel qu’elle puise son inspiration ; elle pilote d’ailleurs son propre vaisseau pour mieux s’en rapprocher.
(Le Chat Noir)
♣ ♣ ♣
Oakwood, son église, sa grange abandonnée, ses tavernes, son cimetière. Et ses sorcières, au grand dam des prêtres qui se succèdent sans parvenir à éradiquer les diableries.
Lorsque la nuit tombe, les ombres s’étirent et drapent le hameau d’un manteau de noirceur, laissant à la lune le soin d’épier les plus sombres desseins. Cruelles malédictions et engeances démoniaques arpentent alors librement les rues aux faveurs de l’obscurité ; mieux vaut ne pas s’attarder en-dehors des logis, au risque de rencontrer la Mort au détour d’une bâtisse.
Pourtant, le vieux cimetière attire bien des convoitises… Certains affirmeront avoir aperçu la lueur chétive d’une lanterne au détour d’une tombe, d’autres diront avoir entendu des hurlements déchirants briser la torpeur nocturne. Les plus folles rumeurs circulent au village, mais ses habitants s’accordent à dire qu’il ne se trame rien d’anormal.
Entre spectres, pentacles, corbeaux et cadavres, quelques téméraires se risquent toutefois à des errances en solitaire. L’un en quête de l’être aimé, l’autre animé par une vengeance inassouvie, ou tout simplement, à la recherche du repos éternel. Or tous ignorent que dans l’ombre, la demoiselle d’Oakwood veille…
La Sorcière. Figure séduisante, inquiétante, solitaire, hors des sentiers battus… Elle revient aujourd’hui sur le devant de la scène car semble incarner cette femme moderne, indépendante, forte et déterminée. C’était déjà le cas quelques siècles plus tôt… mais elle finissait alors fréquemment sur un bûcher, trop incontrôlable et insoumise pour la société patriarcale d’alors.
Avec la publication du Malleus Maleficarum (Le Marteau des Sorcières) à la fin du XVe siècle, la chasse aux sorcières s’est accentuée en Europe, jusqu’à son apogée entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe. C’est justement à ce moment-là que Marianne Stern place son récit.

Je pensais me plonger dans un recueil de nouvelles mettant en scène différentes histoires de sorcières… oui et non. J’ai été surprise de découvrir que tous les récits étaient en fait liés. C’est bien simple une nouvelle = un chapitre = un morceau d’histoire = une chronique (quasi journalistique) de la ville d’Oakwood.
Entre 1590 et 1624, il s’en passe des choses dans cette petite ville isolée qui prend la forme d’un huis clos enfermé dans une ambiance puritaine étouffante et angoissante. Un signe étrange sur le visage ? Une caractéristique physique anormale ? Une trop grande indépendance vis-à-vis des hommes ? Un visage trop joli et tentateur ? Le lait qui caille et de mauvaises récoltes ? Sorcellerie ! Sorcières ! Au bûcher !
Lynn, muette depuis sa naissance, assiste à l’exécution d’une sorcière sur un bûcher en place publique alors qu’elle n’est qu’une enfant. Contrainte et forcée par son père, l’événement est censé lui rendre la parole. Brillante idée paternelle. De cette vision d’horreur, Lynn en ressortira traumatisée… et bel et bien transformée en sorcière grâce au don de la jeune femme brûlée ce jour-là.
Dès lors, Lynn devient une figure incontournable de la petite ville. Et toutes les histoires semblent lui être liées plus ou moins. Ou en tout cas à l’ombre qu’elle laisse derrière elle lorsqu’elle visite le cimetière.
J’ai aimé l’ambiance très grise, très sombre, qui se dégage de ce court recueil. J’ai aimé la thématique et le traitement de la figure de la sorcière, à la fois très classique car remontant le temps (les histoires se déroulent au XVIIe siècle) et en même temps assez moderne car nous offrant une vision quasi féministe.
J’ai aussi beaucoup apprécié la narration choisie par Marianne Stern. On pourrait redouter un manque d’approfondissement dû au format nouvelles mais non, toutes enrichissent l’histoire de la ville d’Oakwood et proposent donc un tableau très complet de la situation. On pourrait également douter de la chronologie mise en place par l’autrice, chronologie qui n’est pas du tout linéaire (une histoire se déroulant en 1607 pourra suivre un récit prenant place en 1614…) mais non. J’ai justement apprécié cette non linéarité qui apporte un peu plus de relief et propose au lecteur un puzzle pour lequel il faut remettre les pièces à leur place.
Je souligne également la plume de l’autrice, soignée et particulièrement visuelle. Les descriptions du cimetière, de la grange ou des ruelles du village sont rondement menées, très efficaces. Le lecteur est transporté dès les premières pages, on s’y croit.
Je n’ai rien à reprocher à ces Chroniques d’Oakwood qui m’ont rappelé que la figure de la sorcière est plus moderne et actuelle que jamais et que derrière ces femmes injustement condamnées se cachaient des innocentes persécutées pour leur différence, leur autonomie (peut-être même aussi leur anatomie trop séduisante) et leur envie d’indépendance.
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Salut !
J’ai adoré cette chronique.
J’ai récemment lu ce titre des éditions du Chat Noir dans le cadre du pumpkin autun challenge, je l’avait d’ailleurs remporté grâce à un concours sur ton blog (une belle continuité des événements en somme).
J’avais quelques craintes quant au format de la nouvelle, mais tout comme toi, j’ai été captivée par ce récit et les descriptions. J’ai grandement apprécié la vision de la sorcière et je suis raccord avec toi pour dire qu’il y a une belle portée féministe sur le fond.
L’ambiance d’Oakwood est étouffante et m’a fait songer à la série Salem (la grande horreur en moins), tu connais ?
Non, je ne connais pas la série Salem (enfin, seulement de nom). Est-ce qu’elle vaut vraiment le coup ?
Je ne sais pas trop, elle se laisse regarder en tout cas ^^’