Kaamelott, un livre d’histoire de COLLECTIF
Kaamelott, un livre d’histoire
sous la direction de Florian BESSON
et Justine BRETON
Editions Vendémiaire,
2018, 330 p.
Première Publication : 2018
Pour l’acheter : Kaamelott, un livre d’histoire
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Merlin est-il le fils d’un démon et d’une pucelle ? Perceval a-t-il lu la Poétique d’Aristote ? Le Saint-Graal serait-il en réalité un bocal à anchois ? Kaamelott, série écrite et réalisée par Alexandre Astier, a marqué son public par son humour et ses répliques-cultes. Mais faut-il prendre au sérieux la façon dont elle réécrit l’histoire, celle de la légende arthurienne, mais aussi celle de ce moment crucial qu’est le Ve siècle de notre ère, entre Antiquité tardive et Moyen Age ? C’est le pari qu’a fait une équipe de jeunes chercheurs : montrer que, par-delà les anachronismes, Kaamelott produit sur la période en question un discours riche d’enseignement. Tant il est vrai que chaque génération réactualise ses mythes, les parodiant ou les réinventant pour mieux se les approprier.
Kaamelott est une série que j’ai appréciée dès ses débuts même si certains personnages pouvaient parfois me lasser (Karadoc) et même si je n’avais jusque là pas vraiment pris la mesure des qualités du VIeme et dernier livre (saison). Je n’ai jamais douté du génie d’Alexandre Astier mais ce livre rappelle à quel point la série est riche et complexe.
Faisant suite à un colloque, cette publication rassemble les articles d’universitaires spécialistes de leurs domaines : littérature, histoire, politique, art, musique… Chacun décortique un aspect de la série et nous prouve – chacun est libre d’être d’accord ou non avec les interprétations offertes – que derrière l’humour de Kaamelott se cache une brillante connaissance de la matière de Bretagne et du monde médiéval.
Le Moyen Age est une période tantôt adorée, tantôt détestée. Quelques idées reçues continuent d’alimenter l’imaginaire commun : temps sombres, violence, superstitions qui dictaient le quotidien… Mais c’est oublié que le Moyen Age court, grossièrement, du Ve au XVe siècle. Autant dire qu’un gouffre sépare les premières années du Haut Moyen Age (les Mérovingiens et consort) du déclin du Bas Moyen Age (aux prémisses de la Renaissance) et qu’en dix siècles, il s’en est passé des choses. Où se situe la légende arthurienne dans tout ça ? Mais avant toute chose, parlons plutôt des légendes arthuriennes car depuis tout ce temps, bien nombreuses sont les versions parvenues jusqu’à nous.
Historiquement, il semblerait qu’un roi Arthur ait existé, justement à ce moment charnière de la chute de l’empire romain et de l’entrée dans le Moyen Age (donc vers le Ve siècle). C’est d’ailleurs cette version historique qui semble être prise pour base par Alexandre Astier. Oui mais alors, pourquoi des anachronismes telles que des armures dignes des chevaliers du XVe siècle, pourquoi des casques à cornes pour les vikings alors que cet attribut visuel n’apparaît qu’au XIXe siècle chez les romantiques ? Parce qu’Alexandre Astier créé ainsi un Moyen Age atemporel et mythique, utilisant pour cela des codes visuels connus de tous. Et c’est un peu la force de la série : rassembler un très large public. Des connaisseurs médiévistes aux complets novices ayant à peine entendu parler du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table Ronde, tout le monde s’y retrouve. Certains rient plus que d’autres, certains repèrent des indices littéraires, d’autres de notre pop culture (Star Wars par exemple)… Alexandre Astier rassemble. Comme Arthur finalement.
La série aurait pu suivre le chemin tracé par les autres productions cinématographiques sur le sujet et l’époque, un Moyen Age certes mythique mais surtout teinté de fantasy. Non et c’est là aussi la force du réalisateur, les saynètes nous parlent du quotidien des chevaliers et de leur entourage. Elles nous parlent de problèmes de gestion de stocks de nourriture, de paris illégaux, d’armure oubliée, de capture d’anguilles, de pâte d’amande, de chefs barbares incompréhensibles… elles s’attachent à la chair et au corps, au physique, au terrestre. Elle est loin la quête du Graal spirituelle.
Et si des créatures merveilleuses semblent faire partie de l’univers de Kaamelott, jamais elles ne sont montrées et elles ne semblent d’ailleurs pas si merveilleuses que ça. Ce qui compte encore une fois à l’image, ce sont les visages des personnages, leurs réactions souvent bien médiocres.
Si les figures de la matière de Bretagne ont souvent été mises en scène dans la littérature et le cinéma, elles n’ont sans doute jamais été observé de si prêt et dans une telle intimité, sans filtre, dans l’authenticité du quotidien.
Ici, quelques articles reviennent sur certains personnages secondaires un peu malmenés, il en ressort que, sous leur aspect ridicule, ils possèdent des rôles clefs et ont gagné, grâce à Alexandre Astier, une belle évolution au fil de la série.
Perceval avait par exemple tendance à me gonfler au fil des épisodes (notamment dans son duo avec Karadoc) mais le redécouvrir comme la figure du ménestrel romanesque me réconcilie largement avec lui. Je n’y avais jamais songé mais oui, c’est évident. Il rassemble toutes les fonctions de ce personnage indispensable à la littérature médiévale (et que l’on retrouve d’ailleurs dans la figure du Fou dans la saga L’Assassin royal de Robin Hobb) : il distrait la cour, créé la surprise, aide Arthur (le héros) dans sa vie affective et se retrouve prophète (accidentel pour Perceval) en montrant la vérité aux Hommes.
Guenièvre et Merlin sont eux aussi traités par les spécialistes et les propos de ceux-ci me confortent dans ma tendresse pour ces deux personnages. La première n’est peut-être pas tant une gourdasse que ça et le second incarne une dualité difficile à vivre : le druide lié à la nature versus l’enchanteur de la cour.
Vous l’aurez compris, j’ai pris grand plaisir à la lecture de cette publication (retrouver quelques citations issues de certains épisodes m’a parfois tiré quelques éclats de rire !). L’ensemble est assez abordable. Il faut malgré tout avoir déjà connaissance de la série Kaamelott et également quelques éléments de la matière de Bretagne en tête sinon, vous risquez de trouver quelques articles un brin obscurs. Il s’agit à la base d’un colloque universitaire et donc des propos de spécialistes dans divers domaines. La lecture demande alors un minimum de concentration et d’implication.
De mon côté, je compte bien me replonger au plus vite dans la matière de Bretagne… et dans quelques épisodes offerts par Alexandre Astier. En commençant par La Quinte juste, sans doute un de mes préférés.
Merci énormément pour cette belle critique, on est ravis que le livre vous ait plu 🙂
Florian B. et Justine B (aka = les auteurs ^^)
bonjour 🙂
la série ne m’a jamais tentée , je pensais ( à tort semble t-il) que c’était une parodie de la légende Arthurienne en même temps je ne suis pas une « initiée » je n’ai jamais lu des livres de chercheurs d’universitaires concernant le sujet , je compte un peu sur toi 😉 tu m’intimides moins …
cependant je peux trouver le temps de tenter d’en savoir plus aussi je note le titre et je vais chercher des podcast des entrevues qui me mettront sur le chemin de la connaissance 🙂
ps: je dois rajouter qu’il me sera difficile de rayer les cornes sur le casque des vikings et tout ce que rajoutent les réalisateurs pour attirer plus facilement la foule devant une série .. merci Maureen
J’avais déjà repéré le livre dans ton C’est lundi de la semaine dernière, je suis donc ravie d’en savoir un peu plus avec cette chronique. J’aime ce genre d’ouvrage à la croisée des chemins et ce que tu dis ici sur la manière dont le mythe est réutilisé, dont les personnages secondaires interviennent promet une lecture intéressante.
J’avais hésité à prendre ce livre, bien que j’adore la série, mais ta chronique a effacé toutes mes appréhensions ! Il est dans la liste des mes prochains achats. En plus, étant une grande fan de la légende arthurienne, j’attend maintenant beaucoup de ce livre.
Encore une belle critique, même si cette série ne m’a jamais attirée.
Alexandre Astier a l’air d’être quelqu’un de très intéressant §