Prière d’achever de John CONNOLLY
Prière d’achever
de John CONNOLLY
Editions Ombres noires,
2014, 160 p.
Première Publication (vo) : 2013
Pour l’acheter : Prière d’achever
John Connolly est un écrivain irlandais né à Dublin le 31 mai 1968. Avant de devenir un romancier à temps plein, John Connolly travaille comme journaliste, barman, fonctionnaire du gouvernement local, serveur et coursier au grand magasin Harrods à Londres. Il est surtout connu pour sa série de romans mettant en vedette le détective privé Charlie Parker. (Wikipédia)
♣ Le Livre des choses perdues ♣ Nocturnes ♣ Samuel Jackson, T. 2 ♣
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Comment expliquer à la police que l’on a été témoin de la chute d’une femme, sous un train, alors qu’aucune trace de l’effroyable accident n’est visible? C’est ce qui arrive à M. Berger, tranquille célibataire qui vient de s’installer à la campagne dans le vain espoir d’écrire un roman.
L’événement est d’autant plus troublant que, quelques jours plus tard, la même jeune femme se jette à nouveau sous la locomotive. Cette fois-ci, M. Berger décide de suivre cette mystérieuse créature au sac rouge. Il atterrit dans une étrange librairie tenue par un vieil érudit, qui accueille en ses murs les plus grands personnages de la littérature…
Prière d’achever est un court texte dont je n’avais jamais entendu parler alors que John Connolly est un auteur que j’apprécie. Alors que je l’ai déjà lu à plusieurs reprises, dans des genres et des formats différents, cette novella (ou très court roman) monte sur le podium. Thématique et style m’ont une nouvelle fois séduite et me rappellent à quel point John Connolly semble être un type sympa.
M. Berger est un héros lambda. Un trentenaire dont la routine n’a rien d’extraordinaire. Un type sympathique mais effacé et effaçable. D’ailleurs, lorsqu’il quitte son emploi, ses collègues l’oublient vite. Sa mère décédée, il décide d’aller s’installer dans la maison de cette dernière, dans un petit village anglais. Il pense que ce nouveau départ lui apportera l’inspiration qui lui manque pour devenir écrivain, son rêve d’enfance. Parce que M. Berger est un lecteur assidu et quasiment rien n’a plus d’importance dans sa vie que la littérature. Il se créé de nouveaux rituels quotidiens dans cette nouvelle vie et l’un d’eux est d’aller observer le passage du train, chaque soir à la tombée de la nuit.

Mais voilà qu’un soir, il aperçoit une belle jeune femme qui se jette sous les roues de la locomotive. Trop abasourdi pour intervenir, notre héros ne peut que tenter de lui venir en aide après ce geste de désespoir… sauf que de la belle jeune femme, aucune trace ; pas même de son sac à main rouge. Mais la scène lui rappelle étrangement quelque chose… En rentrant chez lui après avoir alerté la police qui finit par lui rire au nez, M. Berger ouvre son exemplaire d’Anna Karenine et y retrouve, dans les dernières pages, exactement la même scène vécue quelques heures plus tôt.
Devient-il fou ? A-t-il rêvé la jeune femme ? Il commence à s’en persuader quand, quelques jours plus tard, elle réapparaît, apparemment bien décidée à rejouer la scène. Cette fois notre héros s’est préparé et réussit à la retenir. Elle s’enfuit, il la poursuit et se retrouve devant la porte close de ce qui semble être une très ancienne bibliothèque abandonnée et inconnue de tous les habitants du coin…
A travers cette courte histoire mystérieuse, John Connolly nous emporte dans un monde où les livres sont « vivants ». C’est un livre qui parle des livres et de ses lecteurs-bienfaiteurs. L’auteur est un amoureux de la littérature – il nous l’avait déjà prouvé grâce à son excellent Livre des choses perdues – et on le ressent. J’ai aimé les références à certains grands classiques et à certains personnages devenus mythiques et par dessus tout, j’ai aimé la curiosité que cela a réveillé en moi. L’envie de relire Anna Karenine – que j’avais adoré voilà quelques années – mais aussi celle de découvrir enfin Moby Dick, entre autres exemples.
J’ai aimé la réflexion autour du devenir des personnages nés sous la plume de talentueux auteurs. Certains a priori destinés au malheur, Thomas Hardy remporte la palme de la cruauté. Mais ce destin est-il immuable ? Et si Anna ne mourrait pas ? Et si Tess d’Urberville connaissait une fin heureuse ?
Le texte est court mais riche. John Connolly fait ici le choix d’une narration externe mais très percutante. J’y ai trouvé une adresse aux lecteurs pleine d’humour et de désinvolture dans un style un peu désuet mais terriblement attachant. En fait, quand on lit ces quelques 150 pages, on se sent bien, comme si on lisait un livre « doudou ».
John Connolly s’explique dans l’entretien contenu dans les dernières pages et il nous raconte qu’il a pensé cette novella comme un conte un peu atemporel. Et c’est effectivement ce que j’ai ressenti à sa lecture.
Dans la lignée de son excellent Livre des Choses perdues, John Connolly nous rappelle une nouvelle fois son amour des livres et de la littérature. Prière d’achever est un court mais riche texte qui nous emporte dans un univers un peu merveilleux où il fait bon vivre.
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