Boudicca de Jean-Laurent del SOCORRO
Boudicca
de Jean-Laurent del SOCORRO
ActuSF,
2017, 280 p.
Première Publication : 2017
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Angleterre, an I. Après la Gaule, l’Empire romain entend se rendre maître de l’île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l’empire des aigles jusqu’à Rome ?
À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudiccaest la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd’hui encore la révolte.
Raconter toute une vie sur moins de 250 pages, ça a ses limites. Qui plus est lorsqu’il s’agit d’un destin aussi extraordinaire que celui de Boudicca – ou Boadicée. C’est, je pense, le seul reproche que je peux avancer au sujet de cette lecture qui, de ce fait, me paraît être intéressante en introduction mais appelle forcément (si le sujet vous a plu évidemment) un approfondissement avec d’autres sources, archéologiques, historiques ou romancées.
Peu connue en France, Boudicca est une des premières figures féminines de l’Histoire de l’Angleterre. Un peu comme notre Jeanne d’Arc à nous, même si des siècles séparent les deux femmes.
De cette héroïne devenue légende, on ne sait pas grand chose. Les celtes n’écrivaient que peu, leur tradition était orale. Les seules sources que l’on a nous sont parvenues grâce aux romains, le peuple ennemi. On peut donc douter de leur objectivité mais leur témoignage recèle sans doute une petite part de vérité sur laquelle se baser.
Difficile de broder toute une vie autour de si peu d’éléments mais Jean-Laurent del Socorro s’en sort plutôt bien. Il est parvenu très facilement à recréer un contexte historique duquel on s’imprègne dès les premières pages et dans lequel on plonge sans difficultés.
Angleterre, Ier siècle après J. C., les différents peuples celtes se battent les territoires mais un ennemi commun les rassemble pourtant : Rome et ses nombreux soldats qui ne cessent de s’échouer sur les plages du pays et avancent en terrain conquis.

Boudicca naît dans ce contexte guerrier. Son père est sur le champ de bataille, sa mère meurt en la mettant au monde. Vivre à cette époque est un combat de tous les instants. Entourée par une nourrice et un frère adoptif (fils d’un ennemi déchu), la petite fille grandit, impétueuse, fière, indépendante. Elle s’entraîne au combat et adopte la lance et le bouclier comme armes de prédilection, là où tous les autres dirigeants celtes préfèrent l’épée.
Dans cette société celte, pas d’inégalité de genre. Les femmes ont leur place, multiple et indispensable. Elles sont fille, mère, amante, reine mais surtout guerrière, présente sur le champ de bataille auprès des hommes. Comme chez les amérindiens, le sexe importe peu, c’est la preuve de la bravoure qui ouvre la porte aux combats ; et la bravoure, Boudicca n’en manque pas. Reine du peuple des Icènes auprès de Prasutagos, elle est portée par ses idéaux et agit avant tout pour son peuple. Elle ne recule devant rien, pas même devant des centaines de romains quasi invincibles en formation de tortue.
Boudicca est une figure devenue légende. Forte et inspirante, son destin ne peut qu’être émouvant et je remercie sincèrement Jean-Laurent del Socorro de l’avoir choisie pour héroïne de son roman.
Mais malgré l’utilisation de la première personne du singulier, il manque à mon goût un souffle d’intimité et d’émotions pour que ce livre soit véritablement marquant. Suivre son histoire à travers le point de vue de Boudicca ne m’a pas apporté autant d’attachement que je l’aurais souhaité. Alors oui, la personnalité de la narratrice explique un peu la froideur et le détachement mais tout de même, j’aurais aimé que l’auteur aille plus loin dans son humanité.
Sur le même sujet, j’ai lu il y a quasiment 15 ans (et il faut que je m’y replonge sans tarder), le premier tome de La Reine celte de Manda Scott (série en 4 volumes) qui entre véritablement dans la tête de Boudicca avec beaucoup de sensibilité et de mysticisme, encore plus qu’ici.
Parce que ces romans, qualifiés de fantasy historique possèdent une touche très subtile de surnaturel (et finalement c’est celle que je préfère). Les dieux faisaient entièrement partie du quotidien des héros (ici des celtes), il s’agissait d’une réalité admise par tous… ce qui offre un voile très fin entre le rêve et la réalité et un doute constant, une crédibilité. Ce que l’on retrouve également parfaitement dans la série Rois du monde de Jean-Philippe Jaworski, que je ne peux que vous conseiller !
Derrière cette illustration attirante se cache le destin passionnant d’une figure célèbre de l’Histoire anglo-saxonne. Si la société des celtes vous intéresse, si la place des femmes dans ces sociétés vous questionne, si vous souhaitez vous plonger dans l’Angleterre du Ier siècle de notre ère… Jean-Laurent del Socorro vous offre une première entrée assez fascinante ; mais dont la brièveté laisse un peu sur sa faim et mérite donc qu’on l’enrichisse grâce à d’autres lectures sur le sujet.