Un Eclat de givre de Estelle FAYE
Un Éclat de givre
de Estelle FAYE
Les Moutons électriques,
2014, p. 245
Première Publication : 2014
Pour l’acheter : sur le site de l’éditeur !
Estelle Faye a été comédienne et metteur en scène de théâtre. Aujourd’hui, elle travaille surtout comme auteur et scénariste. À l’aise dans les mondes de l’Imaginaire et la littérature d’aventures, elle écrit aussi bien de l’anticipation, du fantastique, de la fantasy historique (Porcelaine, édité aux Moutons Électriques, Prix Elbakin.net 2013) que du Young Adult (La Dernière Lame, éditions Pré Aux Clercs).
La Voie des Oracles : Tome 1 ♣ Tome 2 ♣ Tome 3 ♣
♣ ♣ ♣
Un siècle après l’Apocalypse. La Terre est un désert stérile, où seules quelques capitales ont survécu. Dont Paris.
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles.
Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.
Estelle Faye et Les Moutons électriques. Deux bonnes raisons pour craquer pour ce roman qui me faisait de l’œil depuis plusieurs années. Après mon coup de cœur pour sa trilogie La Voie des Oracles et après l’avoir écoutée lors de certaines conférences aux Imaginales de cette année, je voulais continuer ma découverte de l’oeuvre d’Estelle Faye.
J’ai très très très longuement hésité entre Porcelaine – une réécriture d’un conte chinois – et Un Éclat de givre – de la SF dans un Paris post-apocalyptique – et c’est finalement ce dernier qui l’a emporté, notamment grâce à sa magnifique illustration de couverture signée Aurélien Police (je suis définitivement fan de son travail).
Encore une fois, j’ai été conquise par la plume de l’auteure et par l’atmosphère qu’elle arrive à insuffler à son histoire ; j’ai également été séduite par son héros, un jeune homme assez surprenant… mais j’ai par contre trouvé quelques faiblesses à l’intrigue que j’ai trouvée assez légère et qui finalement, ne me laisse quasiment aucun souvenir aujourd’hui, un mois après ma lecture.
Le scénario, parlons-en tout de suite justement. Il débute assez classiquement sur une mission offerte au personnage principal, mission qui dégénère rapidement et se révèle finalement d’une bien plus grande ampleur qu’imaginée initialement. D’un quartier à l’autre de Paris, Chet – le héros – court après les indices, recherche un fugitif, et fuit les ennuis.
Peu de temps morts dans cette histoire donc on ne s’ennuie pas, mais finalement un fil rouge qui ne m’aura pas passionnée plus que ça… la preuve, un mois après avoir refermé le livre je suis complètement incapable de vous en faire un résumé détaillé et construit.

Mais l’intrigue, finalement, ce n’est pas ce que l’on retient d’Un Éclat de givre. Ce roman, c’est celui de Chet, un héros inattendu et original. Jeune homme de 23 ans, le personnage principal est ouvertement bisexuel et se travestit chaque soir pour reprendre les grands standards féminins du jazz. Ambigu mais sans complexe, Chet vit sa vie au jour le jour, comme il l’entend, sans recevoir aucun jugement du monde qui l’entoure. Je crois que c’est la première fois que je suis un personnage aussi libéré (sexuellement notamment) ; en 2016, il était temps.
Chet n’est, malgré tout, pas si libre que ça. Il essaye de se convaincre qu’il est sans attache, passant d’une conquête à l’autre ; mais son cœur appartient à Tess, une jeune fille avec qui il a grandi et pour laquelle ses sentiments ont dépassé le stade fraternel. Mais Tess est parti au loin, suivant son destin et Chet n’a pas réussi à se déclarer avant son départ. Depuis il survit, entre deux morceaux de jazz, entre deux amants, entre deux boulots louches.
Chet est un héros émouvant et donc attachant. J’ai aimé le suivre dans son quotidien, sa détermination, sa force physique mais aussi ses faiblesses émotionnelles. C’est un personnage riche d’une personnalité complexe qui porte le roman quasiment à lui seul. Et comme le texte est rédigé à la première personne du singulier, on profite d’autant plus de ses pensées – souvent agrémentées d’un trait d’humour et d’autodérision – et l’on se sent d’autant plus proche de lui.
Chet ne porte pas le roman à lui tout seul, j’exagère. Le deuxième personnage principal d’Un Eclat de givre et celui que je retiens finalement le plus, c’est Paris… la ville post-apocalyptique est une figure à part entière.
J’ai adoré redécouvrir la capitale que l’on reconnaît grâce à certains points stratégiques : la butte Montmartre, les catacombes… et qui pourtant, se révèle légèrement différente, transformée par une apocalypse. Les survivants, trop nombreux pour la ville, vivent les uns sur les autres, dans des appartements exigus et vétustes, sous un soleil de plomb. Ce Paris futuriste sent presque la Nouvelle Orléans : la moiteur, la sueur, la saleté. Plusieurs décennies après la destruction, la nature a commencé à reprendre ses droits et donne presque l’impression, parfois, de traverser une partie de la forêt Amazonienne. Il n’y ferait pas bon vivre du tout, et pourtant j’ai adoré m’y promener en compagnie de Chet !
Et j’en viens au point le plus positif de cette histoire à mon goût : la plume d’Estelle Faye. J’avais déjà pu l’apprécier dans sa trilogie pour la jeunesse (La Voie des Oracles), je l’ai ici savourée dans ce roman plus adulte.
Les décors et paysages défilent clairement sous nos yeux ; toutes les scènes apparaissent distinctement. Certains passages restent en tête, le bassin des sirènes par exemple et d’autres, comme la rencontre avec les enfants médiums, laissent une impression diffuse. En tournant la dernière page, on a comme l’impression de sortir de la projection d’un film.
Je suis définitivement conquise par la patte et l’imaginaire de cette jeune auteure qui, c’est de plus en plus évident, possède une accointance certaine pour la mythologie (il n’est donc pas étonnant de trouver des sirènes ici et de rencontrer un personnage baptisé Galaad), les contes, l’Histoire avec un grand -H et le cinéma.
Plus qu’un récit d’aventures, Un Éclat de givre est un roman d’atmosphère dans lequel on redécouvre les lieux les plus connus de Paris, modifiés à cause de l’Apocalypse survenu quelques décennies plus tôt. Véritable personnage à part entière, la capitale prend même le pas sur Chet, le jeune héros de 23 ans qui surprend par sa façon de vivre et dont les pensées émeuvent. Le tout est servi par la plume imagée et maîtrisée d’Estelle Faye… voilà qui compense largement une intrigue un peu en retrait à mon goût !
Vite, il me faut découvrir Porcelaine, l’autre roman de l’auteure publié aux Moutons électriques !
Ping : Il était ma légende de Estelle FAYE – BAZAR DE LA LITTERATURE
Ping : L’Arpenteuse de rêves de Estelle FAYE – BAZAR DE LA LITTERATURE
Ping : Widjigo de Estelle FAYE ⋆ BAZAR DE LA LITTERATURE
J’ai profité d’un long trajet en car il y a une dizaine de jours pour le lire d’une traite, et je l’ai beaucoup aimé malgré quelques réserves, mais ce n’est pas un coup de cœur comme l’avait été Porcelaine.
On m’avait averti pour l’intrigue simple, en retrait et prétexte à la redécouverte d’un Paris transformé, et je ne peux que rejoindre ces avis même si je savais à quoi m’attendre. Redécouvrir un nouveau Paris, modifié, muté, et ses ambiances bien différentes (mais rarement sereines) a été un vrai plaisir et le gros point fort du roman, même si j’ai trouvé qu’on passait peut-être un peu trop de temps en Enfer pour finalement pas grand chose. En tout cas ces différents paysages laissent des images et impressions saisissantes. Et tu as raison, il y a définitivement quelque chose de la Nouvelle-Orléans (ou en tout cas de l’image qu’on s’en fait souvent) avec le jazz, la moiteur crasse, la vie nocturne, la végétation dense…
Comme beaucoup, j’ai trouvé que Chet était un sacré personnage, plein de facettes, original et qui fait du bien à lire pour ce qu’il est et à retrouver dans un livre (mais j’avais lu les Seigneurs de Bohen avant, du coup ça ne m’a pas étonné), même si je ne me suis pas autant attaché à lui que j’aurais aimé, et j’ai trouvé sa relation avec Tess crédible et touchante.
Et cette plume, soignée et travaillée sans en faire trop, ça reste fluide et se lit si bien.
Par contre effectivement l’intrigue en elle-même ne restera clairement pas gravé dans les mémoires (malgré des thématiques intéressantes), avec quelques facilités, et j’ai trouvé certains personnages secondaires fades ou moins bien développés que d’autres, Virgile en tête et qui ne semble être qualifié que par « mon pâtre » ou « mon petit traître » qui reviennent à longueur de temps quand Chet parle de lui.
Ça m’a rappelé certains plus ou moins vieux post-apo, dont ceux de Julia Verlanger, mais avec une modernité, une diversité et un progressisme rafraîchissant et fort plaisant.
Maintenant, il faut que je me procure la Voie des Oracles !
Ping : [VIDEO] Update Lecture - Paris post-apocalyptique, génocide indien et Louvre hanté ! - Bazar de la Littérature
Belle chronique qui donne envie de lire le roman malgré tes réserves. Je te conseille vivement « Porcelaine » que j’ai lu en début d’année, il me semble. Pour le coup, l’intrigue est bonne, le style de l’auteur au rendez-vous avec un je-ne-sais-quoi de conte de fée qui devrait te plaire, forcément!
Ce titre me faisait de l’œil depuis un moment déjà, ta chronique confirme ma curiosité et j’espère le lire prochainement.
Ta chronique rejoint d’autres avis que j’ai pu voir : une intrigue un peu faible, en retrait, mais un personnage principal, un Paris revisité et une plume qui l’emportent amplement et valent le détour. Ça donne envie.
C’est d’ailleurs étonnant qu’avec tout le bien que j’entends des livres d’Estelle Faye, je n’en ai lu encore aucun.
Allez, en 2017, je change ça !
Porcelaine me tente depuis longtemps. Mais bon, pas facile à trouver par ici… il va falloir – encore – que je revienne en France.
Je suis en train de le lire! Je sais déjà que ce n’est pas un coup de coeur, mais l’univers m’intrigue. Je crois que c’est le premier livre de dystopie que je lis où l’on aborde la saleté et la puanteur. C’est un détail qui échappe à plusieurs écrivains. Rien que pour ça, il mérite d’être connu.
Un livre que je suis curieuse de découvrir ! et l’objet est superbe !