Les Pluies, Tome 1 de Vincent VILLEMINOT
Les Pluies,
Tome 1
de Vincent VILLEMINOT
Fleurus,
2016, p.
Première Publication : 2016
Pour l’acheter : Les Pluies, Tome 1
Né en 1972, Vincent Villeminot est diplômé de sciences politiques (Paris). En 1994, il étudie également au Centre de formation des journalistes (CFJ). À l’âge de 22 ans il part en Égypte avec son épouse où il participe à la création d’une université d’enseignement du journalisme français. Après avoir collaboré à plusieurs publications, dont le journal d’insertion La Rue, il se tourne vers l’écriture romanesque : il est désormais auteur à temps plein, pour les adultes comme les plus jeunes. Il compte à son actif une trentaine d’ouvrages pour les enfants, et explore aujourd’hui dans ses romans pour les adolescents plusieurs facettes du fantastique et de l’anticipation. (Wikipedia)
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Kosh songea qu’il n’avait jamais vu les yeux de Lou dans le soleil.
C’était parce qu’il pleuvait depuis maintenant quatre mois. Une pluie serrée, violente, une pluie de mousson qui paraissait blanche la nuit dans les phares ou la lumière, et faisait un voile gris sur toutes choses, le jour, à plus de quelques mètres. Le phénomène, inexplicable, échappait à toute logique, à toute prévision, à tout modèle, à toute saison.
Il se perpétuait. Partout, les eaux avaient monté, les rivières enflées, on consolidait les digues, on en bâtissait d’autres, plus hautes, mais qui se révélaient de nouveau insuffisantes. Les montagnes ruisselaient. Les fleuves débordaient. Des plaines autrefois agricoles ressemblaient à des marécages
Mais Kosh n’avait pas besoin de voir le soleil les éclairer pour savoir que le vert des yeux de Lou était menthe à l’eau. Et qu’ils étaient la plus belle chose qu’il ait jamais vue. Surtout lorsqu’elle souriait. Qu’il la faisait sourire.
L’eau monte, les digues sont sur le point de céder, il faut évacuer. Sur le port, les réfugiés se battent pour prendre place dans les derniers bateaux, pris de panique, convaincus qu’il s’agit là du dernier espoir de s’en sortir. C’est une cohue indescriptible et au moment d’embarquer, dans un mouvement de foule, Kosh est arraché à Lou. Dernier échange de regards.
« Survis… » la supplie-t-il. « Survis, et moi, je te retrouverai. »
Assez exigeante lorsqu’il s’agit de littérature adressée aux jeunes lecteurs (la littérature Young Adult notamment), je n’ai pourtant pas hésité lorsque les éditions Fleurus m’ont proposé de découvrir l’un des derniers-nés de Vincent Villeminot.
Avec ce premier tome d’une duologie (le second est prévu pour l’automne 2017) baptisée Les Pluies, l’auteur met en scène un groupe de personnages qui va devoir fuir et survivre face à une montée des eaux apocalyptiques. Plus qu’une histoire de catastrophe naturelle mondiale, ce sont surtout les relations humaines qui sont mises en avant ici. Amitié, amour, fraternité… voilà quelques-unes des notions décuplées face à l’urgence et à la gravité de la situation.
Un grand bravo et un grand merci à Fleurus et à Vincent Villeminot pour cette lecture, riche en émotions, pleine de rebondissements et terriblement haletante.
Le défaut que j’ai souvent pu relever dans mes précédentes lectures YA est celui de la superficialité. Trop peu de développement dans l’intrigue, trop peu de descriptions pour poser un contexte, trop peu de complexité dans les personnalités des héros et trop peu de richesse dans la langue. Vincent Villeminot évite ici toutes ces maladresses, et ça fait du bien !
En découpant son premier tome en trois parties tournées dans des directions différentes, il rythme son histoire, enrichit son contexte et complexifie les personnages qu’il a créé.
Le lecteur fait d’abord connaissance avec les figures qu’il suivra, les quatre adolescents et le bébé, dans leur ville donc dans le lieu qu’ils « maîtrisent ». Kosh et Malcolm aident leurs parents à la ferme et, malgré leur jeune âge, savent se débrouiller seuls. Lou, Noah et Ombre (la petite fille de quelques mois seulement) forment quant à eux une fratrie soudée dont les parents sont souvent absents. Les cinq enfants ont appris à supporter la pluie torrentielle qui s’abat chaque jour sur leur tête depuis quatre mois déjà. La vie suit son cours plus ou moins normalement et si ce n’est l’humidité constante, rien ne change… jusqu’au jour où le niveau de l’eau a tant augmenté que le courant brise les barrages et que le danger leur caresse les pieds. Les adultes sont loin, Kosh prend naturellement la tête des opérations et fait tout son possible pour mettre tout le monde à l’abri. La fuite s’organise, mais pour aller où, pour faire quoi ? Pour commencer, trouver un asile en hauteur pour se protéger de l’eau et des dangers qu’elle charrie en son sein et puis se réfugier auprès des autorités qui organisent le sauvetage des réfugiés. Mais rien n’est simple quand la catastrophe que l’on croyait au début gérable prend de l’ampleur et quand la panique s’abat sur des milliers de personnes.

La deuxième partie du livre est dédiée à Kosh, Noah et Ombre, tous les trois réfugiés sur un bateau au milieu des océans. Je ne vous en dis pas plus sur le pourquoi du comment. Sachez seulement que cet interlude de plusieurs semaines nous est conté du point de vue de l’adolescent, sous la forme des lettres qu’il destine à Lou. Loin de ses parents et de son petit frère Malcolm, Kosh se rapproche petit à petit du petit frère et de la petite sœur de celle qu’il aime et se fait un devoir de les protéger, parfois malgré eux. Même si ces chapitres peuvent paraître plus lents, moins rythmés car en huis-clos, j’ai trouvé que c’était peut-être ceux qui recelaient le plus d’émotions (le passage qui raconte les premiers pas de la petite Ombre est terriblement touchant). Le récit sous forme de lettres – et donc à la première personne du singulier – accentue sans doute ce sentiment mais j’ai eu l’impression que Kosh y retirait vraiment sa carapace alors que précédemment et dans la partie suivante, il sera plus en retenu.
Après ces quelques dizaines de pages un peu plus contemplatives, le lecteur reprend la course-poursuite en même temps que Kosh, Noah, Ombre et un personnage rencontré sur le bateau, les quatre enfants fuyant un avenir qu’ils ne peuvent envisager. S’ils n’avaient pas de but au début du livre, tout se précise ici et devient très clair pour chacun d’entre eux : retrouver Lou et Malcolm ! Les rebondissements se font alors plus nombreux et de nouveaux dangers apparaissent. Pirates et requins, L’Ile au trésor de Stevenson et Sa majesté des mouches ne sont pas loin.
Comme vous pouvez le constater, en un seul tome seulement (et donc en moins de 400 pages), Vincent Villeminot a su se renouveler et créer une intrigue qui tient la route, entre rythme haletant et passages plus introspectifs. J’ai aimé cet équilibre qui permet de présenter les personnages sous différents traits. Parce que l’autre point fort de cette histoire, à mon avis, ce sont ses figures et notamment le duo Kosh – Noah que l’on découvre davantage ici. L’auteur nous offre des portraits bien croqués et bien développés ce qui en fait des personnages palpables et donc crédibles.
Noah est sans doute celui que je trouve le plus réussi, celui qui se dévoile petit à petit. Enfant un peu rebelle, un peu expansif, espiègle et fouineur, il cache une grande sensibilité. J’ai beaucoup aimé le voir évoluer et grandir petit à petit auprès de Kosh pour lequel il ne sait pas trop quoi ressentir, tantôt en colère contre l’amoureux de sa sœur qui se prend pour le chef alors qu’il n’est pas son père, tantôt admiratif de la force tranquille de celui-ci.
Si j’avais un seul petit bémol à apporter à ce premier tome, c’est peut-être Kosh. Ce n’est pas dans le développement de sa personnalité que l’on parvient très bien à saisir mais plutôt dans l’aspect peut-être un peu trop « parfait » de celle-ci. Cet adolescent de 15 ans semble quasiment indestructible et même s’il est parfois un peu maladroit dans sa relation avec les autres, il ne fait jamais véritablement d’erreurs. Un ado de 15 ans serait-il véritablement capable d’autant de prouesses et de self-control dans une situation aussi catastrophique ? J’ai un petit peu du mal à y croire et j’aurais peut-être encore plus apprécié un personnage un peu plus nuancé, un peu moins « parfait ». Mais Vincent Villeminot nous prépare peut-être quelques petites surprises dans le second opus, peut-être que Kosh fera montre d’un peu plus de fragilité.
Je m’arrête ici, ayant déjà dévoilé beaucoup d’éléments (mais j’ai essayé de ne pas – trop – spoiler, juste ce qu’il faut pour vous tenter) et terminerai simplement sur ceci : attendre la sortie du tome 2 à la rentrée prochaine (automne 2017) sera une épreuve qui va mettre à mal notre patience !
La montée des eaux nous est contée à travers l’aventure d’un groupe d’enfants qui, face à la gravité et l’urgence de la situation, créent des liens forts. Entre scènes rythmées et moments plus introspectifs, Vincent Villeminot nous offre une histoire haletante et des personnages touchants qu’on a du mal à quitter.
Merci à Fleurus pour cette belle lecture !
Ping : What's up ? (2016 - 13) - Bazar de la Littérature
J’entends de plus en plus parler de cet auteur, l’envie de le découvrir se fait très forte: ce roman est celui qui me tente le plus, et si en plus il t’a satisfaite, il sera dur de résister !
Le roman avait déjà fait tilt quand tu avais parlé du résumé quand tu l’avais reçu, ta chronique (très bien écrite et détaillée, au demeurant) ne fait que confirmer l’impression : directement sur ma wish-list, avec craquage et achat proche probables…
Tiens, est-ce qu’un livre de Young Adult pourrait m’intéresser? C’est vraiment très rare.
Merci pour ton avis éclairé.
Il est sur ma liste depuis l’annonce de sa sortie! Je suis contente de lire un avis aussi positif, ça me conforte dans mon choix haha