Les Libérateurs de l’Irlande, huit siècles de lutte de Jean-Luc CATTACIN

Les Libérateurs de l’Irlande,
huit siècles de lutte
de Jean-Luc CATTACIN
Vendémiaire,
2016, p. 309
Première Publication : 2016
Pour l’acheter : Les Libérateurs de l’Irlande
Jean Luc Cattacin est titulaire d’une maîtrise et d’un DEA de civilisation irlandaise. Ses travaux portent sur l’Irlande politique, celle des années 1920 en particulier.
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Révolution irlandaise ou révolutions irlandaises ? Tout au long de son histoire, cette île derrière une île qu’est l’Irlande s’est toujours rebellée contre ceux qui ont prétendu en être les maîtres. Ce que les manuels ont retenu comme étant la Révolution irlandaise, entamée à Pâques 1916 et achevée avec l’obtention de l’indépendance pour la partie sud de l’île en 1922, a en effet été précédé par sept cent cinquante ans de révoltes et de révolutions et suivi par de nouveaux affrontements dans le Nord jusqu’au processus de paix des années 1990.
Ce livre n’est pas une simple étude politique : il entend déceler, dans le roman national de l’Irlande, le fil rouge révolutionnaire qui traverse de bout en bout son histoire, chaque rébellion manquée nourrissant le mythe qui fera naître la suivante. De Brian Boru à Patrick Pearse, de Jonathan Swift à Michael Collins en passant par Robert Emmet et Bobby Sands : huit siècles de destins et de luttes.
J’ai découvert ce titre lors d’une des dernières opérations Masse Critique de Babelio ; évidemment, je l’ai sélectionné et par chance, il est arrivé dans ma boîte aux lettres quelques semaines plus tard.
Aujourd’hui, j’ai envie de lancer un grand merci aux éditions Vendémiaire et aux organisateurs de Babelio pour cette belle lecture, très enrichissante et souvent émouvante. Et évidemment, également un grand merci et un grand bravo à Jean-Luc Cattacin pour son travail de recherche et de rédaction… une très belle réussite !
Sur près de 300 pages, Jean-Luc Cattacin revient sur les nombreuses révolutions qu’a connues l’Irlande ces derniers siècles, en prenant les Pâques Sanglantes d’avril 1916 comme point de départ à sa réflexion.
Cette année 2016, l’Irlande a fêté le centenaire de la révolution qui a mené à l’obtention de l’indépendance de l’île (le Sud). Date marquante et tracée à l’encre indélébile dans l’esprit des irlandais, les noms de James Connolly et Patrick Pearse ont traversé les décennies et font partie des figures majeures de la révolution irlandaise, rendus martyrs par l’armée britannique, aujourd’hui encore fêtés par tout un peuple.
Il est cependant intéressant de constater que la rébellion irlandaise n’est pas née en 1916 mais qu’elle fait partie de l’île depuis des siècles et que, sous des bannières différentes (associations ou partis politiques), les habitants des lieux ont toujours plus ou moins combattu l’envahisseur anglais.
Jean-Luc Cattacin remonte les siècles, aux origines du peuplement de l’Irlande et nous montre avec force détails, que le conflit n’est pas aussi simple que les livres d’histoire tendent parfois à le présenter. Il ne se résume pas au simpliste « protestants unionistes versus catholiques républicains » et a connu bien des visages ces huit cent dernières années. Il est d’ailleurs « amusant » de découvrir que la plupart des têtes de file rebelles, en faveur de la réunification de l’Irlande, étaient fils de protestants au Nord du pays et que, certains irlandais du Nord d’origine anglo-écossaises, tentaient de préserver l’essence irlandaise, devenant ainsi « plus irlandais que les irlandais ». Impossible alors de qualifier un camp de « gentil », l’autre de « méchant » ; le conflit ne fut jamais si manichéen.
Cela dit, plusieurs historiens contemporains, spécialistes de la question irlandaise, s’accordent à dire que les choix britanniques, notamment pour gérer la famine du milieu du XIXe siècle, n’étaient pas les plus judicieux. En 1997, Tony Blair lui-même, alors premier ministre, reconnaissait lors d’excuses publiques que « ceux qui gouvernaient à Londres à cette époque ont manqué à leur devoir envers le peuple en n’intervenant pas, alors que la destruction des récoltes aboutissait à une terrible tragédie humaine« .
Malgré tout, malgré le sort s’acharnant, malgré les brimades et les répliques sanglantes de l’armée britannique, les irlandais ont tenu bon. D’ailleurs, au grand dam des anglais, le nationalisme irlandais s’est nourri de ces difficultés et de ces drames, développant petit à petit son essence et son image auprès du peuple. En 1916 par exemple, la population (notamment à Dublin) ne soutenait pas les rebelles et leur proclamation de la République, beaucoup d’habitants sont d’ailleurs venus en aide aux soldats anglais blessés lors des répliques armées. Mais l’Angleterre a commis l’erreur de faire exécuter les 7 rebelles principaux à peine quelques jours après ces Pâques sanglantes (entre le 3 et le 12 mai), après des procès expédiés à la va-vite, fusillant même l’un d’eux (James Connolly) assis sur une chaise, blessé et incapable de se tenir debout pour son exécution. Dès lors, les rebelles devinrent des martyrs pour la cause nationaliste et le peuple se rangea derrière eux.
C’est avec beaucoup d’émotion et presque de la fierté que j’ai parcouru ces quelques 300 pages, émue et fière de ce peuple irlandais qui, malgré les difficultés et les drames les ayant atteints (la grande famine du milieu du XIXe siècle a divisé la population par deux, si l’on compte l’émigration massive vers les Etats-Unis, par exemple), ont toujours su relever la tête, avancer… et même parfois pardonner !
Aujourd’hui, après des siècles de conflits, après des décennies de violences et d’attentats meurtriers (plus de 3500 personnes – beaucoup de civils – sont mortes au XXe siècle), c’est le dialogue qui prime. Le Sinn Féin, la branche politique « pacifique » de l’IRA provisoire a obtenu les accords de paix du Vendredi Saint et le dépôt des armes (entre 1998 et 2005). La tension est toujours palpable dans certains quartiers de Belfast (quelques groupes dissidents extrémistes continus la lutte armée) mais la réunification des deux Irlande n’a jamais été si proche !
Il y a beaucoup à dire et à apprendre sur l’histoire (politique) de l’Irlande. Jean-Luc Cattacin nous propose ici un essai certes dense mais qui reste abordable, même pour les novices de la question. J’avoue m’être parfois un peu perdue dans tous les partis politiques qui ont eu tendance à se subdiviser au fil des années, tous les membres n’ayant plus la même ligne de conduite ; les noms se multiplient donc, mais l’idée générale reste assez présente dans notre esprit, il ne s’agit pas de retenir chaque détail. L’auteur nous prouve la complexité du conflit, intimement lié à la politique du pays, qui va bien au delà d’une simple question de religion ou de territoire.
J’ai appris beaucoup de choses (les révoltes paysannes notamment grâce à la participation des sociétés secrètes telles que les Whiteboys m’étaient totalement inconnues et m’ont passionnée !) et j’ai été très émue en retrouvant d’autres éléments que je connaissais déjà grâce à de précédentes lectures…
A noter une carte du pays (avec les subdivisions des comtés) et une bibliographie en fin d’ouvrage, de quoi prolonger la découverte. J’ai déjà noté quelques titres à me procurer absolument !
Que dire d’autre qu’un grand merci à Monsieur Cattacin. Merci d’avoir écrit sur ce pays, petit par la superficie mais immense par le courage des hommes et femmes qui y ont vécu (vivent) et se sont battus (se battent) pour lui !
Voilà quelques morceaux (associés aux rebelles irlandais) ayant accompagné ma lecture (et que j’écoute quasiment tous les jours d’ailleurs…) :
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Encore un livre que tu me donnes envie de lire !
Connais-tu le film « Shadow dancer » de James Marsh ? J’aimerais beaucoup le regarder.
Ondine