Un bon garçon de Paul MCVEIGH
Un bon garçon
de Paul MCVEIGH
traduit par Florence Lévy-Paoloni
Editions Philippe Rey,
2016, p. 253
Première Publication (VO) : 2015
Pour l’acheter : Un bon garçon
Né à Belfast, Paul McVeigh a commencé sa carrière d’écrivain comme dramaturge avant de déménager à Londres, où il a écrit des comédies pour le théâtre, qui se sont jouées au Festival d’Édimbourg et à Londres. Directeur du London Short Story Festival, il est lui-même l’auteur de nouvelles, publiées dans des revues et des anthologies littéraires, et lues dans différents programmes à la radio. Il signe ici son premier roman.
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Irlande du Nord, fin des années 80, en plein conflit entre catholiques et protestants à Ardoyne, quartier difficile de Belfast. Mickey, le narrateur, vit sa dernière journée à l’école primaire avant les vacances d’été. Bon élève, il se réjouit d’avoir été admis dans une Grammar school – collège « d’élite » –, et d’échapper ainsi à ses condisciples actuels. Mais, lors d’un surréaliste rendez- vous chez le directeur, il apprend que son père a dépensé l’argent censé payer sa scolarité. Ce sera donc St. Gabriel, le collège de base fréquenté par son grand frère et tous les gamins du coin.
Le petit chien offert par ses parents ne suffit évidemment pas à faire oublier le goût âpre de ces vacances qui commencent, et Mickey décompte avec angoisse le nombre de semaines le séparant de la rentrée. Rêveur, il passe son temps à inventer des histoires et à imaginer ce que serait sa vie en Amérique. Il adore sa mère et sa petite soeur, mais redoute son père alcoolique et sa brute de grand frère qui, comme tous les garçons du quartier, n’aime rien tant que le tourmenter. Parce que, tous s’accordent à le dire, Mickey est « différent » : enfant doué et sensible pour la plupart des adultes, « petit pédé » qui joue avec les filles pour les autres…
L’IRA, les bombes, les émeutes, les affrontements avec l’armée britanniques : Mickey évolue au milieu de ce climat troublé avec son innocence et ses rêves de gamin. Son chien est tué par une bombe, un soldat meurt devant ses yeux… Les « Troubles » viennent frapper à sa porte et Mickey réalise que pour protéger sa mère et sa soeur il va lui falloir franchir quelques lignes. Avec beaucoup de sensibilité, de tendresse et d’humour, Paul McVeigh réussit à nous faire partager le point de vue du petit Mickey. Et là est la grande force de ce roman : donner à nos yeux d’adultes ce regard d’enfant.
Je lis assez peu de littérature contemporaine, étant plus friande d’imaginaire, mais le résumé avait ici tout pour me plaire alors je n’ai pas hésité longtemps et ai accepté avec plaisir cette proposition de lecture de la part des éditions Philippe Rey.
Quelle belle intuition j’ai eu là puisque ce Bon garçon fait sans doute partie de mes plus belles lectures depuis le début de cette année 2016 ! Beaucoup d’émotions à la lecture et l’envie toujours plus forte d’en apprendre plus sur les troubles irlandais, de l’Insurrection de Pâques en 1916 à la « paix » retrouvée au début des années 2000…
Cette histoire prend place à un moment précis : pendant 8 semaines d’un été à la fin des années 80, dans un des quartiers populaires de Belfast, en Irlande du Nord donc. On y suit le petit Mickey âgé d’une dizaine d’années, trop différent des autres pour s’intégrer à leurs jeux et être compris de son entourage. Le jeune garçon rêve d’être comédien aux Etats-Unis et cite des références telles que Le Magicien d’Oz avec Judy Garland. Plus brillant et sensible que la moyenne, il essuie quotidiennement les remarques, les brimades et le mépris de ses camarades de classe. Heureusement pour lui, à la rentrée de septembre il doit intégrer une école d’élite dans laquelle il pourra enfin s’épanouir… Oui, mais non. Le père de Mickey, un peu trop porté sur le jeu et la bouteille, dilapide l’argent destiné à payer l’école et annonce la mauvaise nouvelle à son fils au début des vacances d’été, essayant de faire passer la déception par l’acquisition d’un petit chien. L’enfant n’est pas dupe et c’est avec angoisse qu’il compte les jours jusqu’à sa future rentrée dans le collège du quartier où tous les caïds du coin sont rassemblés…
Un bon garçon c’est l’histoire touchante d’un jeune garçon qui se cherche et évolue dans un contexte géo-politique extrêmement tendu. Le Belfast de la fin des années 80 est régulièrement frappé par les attentats et les bombes posées par l’IRA et des scènes d’une violence inouïe font partie du quotidien alors qu’un haut mur sépare les quartiers protestants des quartiers catholiques (mur qui existe toujours, en 2016 !, et qui est fermé chaque soir… par coutume !). C’est aussi sans compter sur la pauvreté et la misère sociale de l’époque : un père alcoolique, une mère qui cumule plusieurs petits jobs pour joindre les deux bouts.

J’ai beaucoup pensé au film Billy Elliot pendant ma lecture (film que j’aime beaucoup) puisque Belfast est assez marqué par des constructions en briques rouges, très anglaises et la comparaison entre les deux enfants en quête d’eux-mêmes me paraît assez évidente à première vue. L’un souhaite être danseur malgré la pression de son entourage de mineurs alors que le petit Mickey rêve d’être acteur dans un contexte qui amène plus les garçons vers la guerre et les attentats à la bombe que vers la comédie musicale. Dans les deux cas les familles sont modestes (voire pauvres) et subissent une atmosphère géo-politique assez lourde (les grèves de mineurs dans Billy Elliot).
Le quotidien est très difficile pour ces héros et les suivre n’en est que plus touchant. Mickey m’a beaucoup émue, parfois jusqu’aux larmes. L’histoire est racontée de son point de vue donc à travers ses yeux et si les scènes peuvent parfois sembler décrites de façon naïve, elles n’en sont que plus percutantes. Entre deux scènes d’horreur dans la rue (un soldat tué sous ses yeux par exemple), le jeune garçon découvre ses premières émotions amoureuses et se pose beaucoup de questions (comme tout le monde à l’arrivée de l’adolescence). C’est parfois drôle, parfois d’une grande tendresse (quelques passages avec sa mère – fatiguée par le quotidien – sont juste « waouh » tellement c’est fort en émotions), parfois révoltant (les enfants entre eux ne sont pas toujours tendres) et toujours extrêmement touchant.
Paul McVeigh a choisi le point de vue interne et donc l’utilisation du « je » qui rend l’histoire encore plus palpable et donc intense, à mon avis. C’est le petit Mickey qui nous raconte son été, les mots utilisés sont ceux de l’enfance mais sont parfois d’une criante perspicacité. Il nous parle avec simplicité des relations qu’il entretient avec les membres de sa famille : sa mère adorée avec laquelle il ne sait plus trop comment se comporter parce qu’il devient un grand garçon et que les grands garçons ne passent pas leur vie dans les jupes de leur mère, sa soeur aînée qui travaille pour aider aux finances, son grand-frère qui semble fricoter avec l’IRA et donc flirter avec le danger, sa petite-soeur avec laquelle il adore jouer malgré les moqueries de ses camarades et son père, l’ivrogne qu’il déteste et sur le compte duquel il met tous les problèmes.
Mais Mickey nous offre aussi un portrait, un témoignage de cette Irlande du Nord aux prises avec un conflit politico-religieux qui pénètre dans le quotidien des gens lambdas et apporte la mort devant leur porte. Une bombe explose, un soldat meurt… le jeune garçon nous décrit les scènes avec neutralité puisque c’est la normalité de son quotidien.
Et l’on assiste à tout ça avec horreur, impuissant derrière ces pages parce que la force de Paul McVeigh, c’est son style très immersif et donc vraiment très percutant. On prend la violence qui sévit à Belfast de plein fouet mais plus que cette violence physique et visible, c’est son caractère banal pour toutes ces familles ouvrières qui choque !
J’espère vraiment que l’auteur se lancera dans l’écriture d’un autre roman – au sujet de l’Irlande ou non – car je le suivrai avec plaisir. Et si vous, de votre côté, vous avez des titres sur ce sujet (les troubles irlandais) à me conseiller, je suis plus que preneuse. Retour à Killybegs de Sorj Chalandon m’attend d’ores-et-déjà dans ma P(ile)AL(ire) grâce à Carolivre que je remercie encore.
La quatrième de couverture ne ment pas, Un bon garçon offre un savant mélange de tendresse, sensibilité et humour et c’est avec énormément d’émotions que j’ai tourné la dernière page, touchée par l’histoire du petit Mickey au coeur des quartiers populaires de Belfast à la fin des années 80, alors que les attentats et l’IRA hantaient les ruelles insalubres.
Un immense merci aux éditions Philippe Rey et à Paul McVeigh pour ces émotions !
Je note ce titre !
Concernant Sorj Chalandon, même s’ils se lisent indépendamment, je trouve qu’il est assez intéressant de lire d’abord Mon traître avant Retour à Killybegs, pour avoir un point de vue extérieur avant celui du héros de Retour à Killybegs… En tout cas les deux romans sont bouleversants. Ca doit quand même être bien différent du roman présenté ici, de part le style très brut, violent, et le point de vue adopté (plutôt celui de l’IRA, surtout dans Mon traître).