La Mort peut danser de Jean-Marc LIGNY
La Mort peut danser
de Jean-Marc LIGNY
Folio SF,
2014, p. 383
Première Publication : 1994
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Jean-Marc Ligny est un écrivain français de science-fiction, fantastique né le 13 mai 1956. Il a écrit près d’une quarantaine de romans, dont une dizaine pour la jeunesse.
♣ Mal-Morts ♣
♣ ♣ ♣
Irlande, 1181. Alors que sévit l’invasion anglo-normande, une sorcière est brûlée vive au sommet d’une falaise. Une sorcière aux yeux de l’Église, mais pour le peuple elle était Forgaill, leur poétesse, la prophétesse…
Irlande, 1981. Un couple de musiciens, Bran et Alyz, s’installe dans un manoir du XIIe siècle. Sous le nom de La Mort Peut Danser, ils donnent des concerts dont le succès va grandissant. Mais quelle puissance surnaturelle anime la voix d’Alyz, cette voix qui ouvre les esprits, qui semble venir d’un autre monde?…
Roman inspiré des légendes celtiques et des recherches musicales du groupe Dead Can Dance, riche des couleurs et de la beauté sauvage de l’Irlande, La mort peut danser renouvelle magistralement le thème de la possession.
A vrai dire, je ne suis pas une grande fan de Dead Can Dance. Non pas parce que je n’aime pas (parce que des trucs un peu « bizarres », j’en écoute, donc ça ne me fait pas peur… je pense que Daemonia Nymphe gagne la palme du groupe mystique) mais tout simplement parce que je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de me pencher véritablement sur la question. Mais il faudrait que je creuse puisque les quelques morceaux écoutés m’ont intriguée et qu’ils semblent parfaitement entrer dans mes habitudes musicales.
En tout cas, si l’un des buts de Jean-Marc Ligny était de pousser le lecteur à la (re)découverte de Dead Can Dance, c’est réussi ! D’ailleurs, quelques vidéos tournent en ce moment-même sur mon ordinateur, histoire de me mettre dans l’ambiance et de m’inspirer. L’inspiration (divine ?) et la musique, voilà de quoi cause La Mort peut danser. Et en plus ça se passe en Irlande. C’était fait pour moi, non ?
Jean-Marc Ligny a choisi de construire son histoire à partir de deux axes qui semblent ne pas avoir grand chose à voir l’un avec l’autre, en tout cas au départ, mais ils se révèlent bien vite liés. Ces deux « intrigues » sont matérialisées dans deux groupes de chapitres différents car traitent de deux époques éloignées l’une de l’autre par 800 années. Le lecteur passe ainsi régulièrement des années 1980 à la deuxième moitié du XIIe siècle (entre 1160 et 1185 environ).
Les bonds peuvent déstabiliser au départ mais l’on s’y fait finalement assez vite et l’on sent facilement la différence contextuelle – quoiqu’un manoir perdu sur la cote ouest irlandaise au XXe siècle n’est peut-être pas si éloigné de ce qu’il était huit siècles plus tôt ?
Je n’ai pas compté le nombre de chapitres dédiés à chacune des intrigues mais il m’a semblé – en tout cas c’est le ressenti qu’il me reste – que l’on passe plus de temps auprès de Forgaill au XIIe siècle. Ce n’est pas désagréable, loin de là, mais c’est assez dépaysant. Il n’est pas forcément aisé de s’attacher – et encore moins de s’identifier – à une poétesse/prophétesse de l’Irlande médiévale, encore proche de ses traditions druidiques et gaéliques. Malgré tout, malgré son essence divine qui devrait la rendre intouchable, la jeune femme est finalement bien ancrée dans son univers, sur cette terre irlandaise balayée par les vents et envahie par les Normands.
Bizarrement, alors qu’elle est plus proche de nous par l’époque (les années 80) et par sa vie moderne, Alyz semble au contraire, complètement sur une autre planète, complètement ailleurs et donc totalement inadaptée à notre vie quotidienne. Ses transes régulières la rendent encore plus intouchable et incompréhensible, trop proche du mystique pour les humains lambda que nous sommes.
Difficile donc de trouver sa place, en tant que lecteurs, auprès de ses deux femmes liées par le chant, par cette voix étrange venue d’ailleurs. On ne peut que rester spectateurs, envoûtés par ce qui se joue sous nos yeux mais gardant toujours une certaine distance.
Je ne me suis donc pas attachée aux personnages, ni à Forgaill, ni à Alyz, ni même à Bran le compagnon de cette dernière. En revanche, j’ai voyagé en Irlande, sur les cotes du Burren, là où vous pouvez voir les célèbres falaises – Cliffs – de Moher, la très célèbre petite ville de Doolin qui est connue pour être celle qui abrite le plus de musiciens d’Irlande ou encore la petite ville de Lisdoonvarna qui accueille chaque année un festival de célibataires (Matchmaking Festival). Bref, vous le savez, l’Irlande c’est mon pays de coeur (et un tout petit peu de sang) alors c’est toujours un immense plaisir d’y remettre les pieds grâce à l’imagination fertile des auteurs.
Et plus que le contexte géographique, je trouve que Jean-Marc Ligny a assez bien retranscrit toute cette atmosphère un peu particulière, propre à l’Irlande. Un peu mystique oui. Un peu à l’image de Dead Can Dance d’ailleurs. Les deux se marient donc forcément à merveille. J’ai aimé retrouvé de nombreuses notions empruntées à la matière celtique (le druidisme notamment) et surtout, de nombreux mots de vocabulaire gaéliques qui apparaissent non traduits dans le texte (il y a un lexique à la fin de l’ouvrage si vous souhaitez jeter un oeil et apprendre quelques mots).
Il manque juste, en notes de bas de page, quelques indications sur la prononciation de ces mots particuliers parce qu’évidemment, le gaélique irlandais n’a absolument RIEN à voir avec son orthographe, en tout cas pour les petits français que nous sommes (l’exemple que j’aime bien donner est sans doute celui qui m’a le plus marquée : la première fois que je suis allée en Irlande, j’ai été accueillie par une adorable famille dont l’une des petites filles s’appelle Niamh que, dans ma tête, je prononçais « Niame » mais lorsque le Papa me l’a présentée en chair et en os le premier jour, il l’a appelée « Nive »… il m’a fallu un certain temps pour comprendre que Niamh = [Nive] !).
Finalement, on comprend bien vite (plus vite qu’Alyz !) ce qui lie les deux jeunes femmes pourtant si éloignées sur la ligne du temps… mais ce « mystère » n’est pas vraiment ce qui fait l’intérêt de ce roman, à mon avis. J’ai préféré reconstituer petit à petit le puzzle pour comprendre ce qu’il était arrivé à Forgaill, de sa petite enfance dans les années 1160 au jour de sa mort, brûlée sur le bûcher pour sorcellerie dans les années 1180 et donc saisir comment (et pourquoi) sa voix s’exprime dans le corps d’Alyz huit siècles plus tard.
Jean-Marc Ligny traite les deux époques – et donc les deux axes – de manières radicalement différentes puisque, s’il raconte l’aventure d’Alyz et Bran de façon tout à fait linéaire (plus les pages se tournent plus les mois passent) ; il a choisi d’éclater et de mélanger tout le passé de Forgaill. Le lecteur la découvre pour la première fois le jour de sa mort puis ensuite, complètement « aléatoirement » adolescente, enfant, pré-adolescente, femme… les dates semblent avoir été tirées au sort au hasard mais l’auteur a au contraire bien joué son coup puisque chaque morceau du puzzle apparaît dans un ordre finalement bien précis et le lecteur ne s’y perd nullement. Il parvient au contraire avec facilité – ce qui prouve la maîtrise narrative de Jean-Marc Ligny – à replacer chaque élément à sa place et à reconstituer la toile complète. J’ai particulièrement apprécié cette construction et ce qu’elle implique.
Entre les traditions et les paysages irlandais, et le groupe Dead Can Dance, Jean-Marc Ligny ne pouvait que nous proposer une histoire où musique et mysticisme ne font qu’un. J’ai été emportée dans l’ancienne Eire assiégée et en ressors avec la farouche envie, non seulement d’y retourner encore bien des fois, avec du Dead can dance dans les oreilles bien sûr !
Je viens de le lire dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge de Guimause alors qu’il traînait dans ma PAL depuis un moment. J’ai plutôt apprécié cette histoire de possession à travers les âges, de magie et de légendes celtes, de musique aussi, sans non plus la trouver forcément mémorable.
J’ai beaucoup aimé les parties au Moyen-Age, avec cette ambiance mystique un peu mystérieuse, l’apprentissage de arcanes de la magie par Forgaill, ces paysages désolés et brumeux (que la brume soit d’origine naturelle ou magique), et cette occupation terrible des Normands. Par certains côté, ça me rappelait les Descendants de Merlin ou Rigante (de Gemmell), en moins dense et moins réussi certes.
Par contre j’ai un peu moins aimé les chapitres dans les années 80, notamment à cause du personnage principal qui s’avère distante et passive, même si c’est compréhensible vu l’histoire. Et j’aurais aimé l’entendre plus, cette musique, ressentir plus son côté surnaturel. Mais ça reste une lecture sympathique dans son ensemble.
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J’ai plusieurs romans de cet auteur dans ma bibliothèque, mais malheureusement pas celui-ci ! C’est bien dommage, car ta magnifique chronique à titillé ma curiosité 😉 Afin de ne pas faire encore davantage exploser ma PAL, peut-être as-tu d’autres titres de Jean-Marc LIGNY à me conseiller (que j’ai peut-être en ma possession ^^) en attendant que je me procure celui-là ? En tout cas un grand merci pour la découverte 🙂
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Merci pour la critique, ça donne envie de lire le livre :).