La Bibliothèque des coeurs cabossés de Katarina BIVALD

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La Bibliothèque des cœurs cabossés
de Katarina BIVALD,
traduit du suédois par Carine BRUY
Denoël,
2015, p. 482

Première Publication : 2013

Pour l’acheter : La Bibliothèque des cœurs cabossés

Katarina Bivald a grandi en travaillant à mi-temps dans une librairie. Aujourd’hui, elle vit près de Stockholm, en Suède, avec sa sœur et autant d’étagères à livres que possible. La Bibliothèque des cœurs cabossés est son premier roman.

♣ ♣ ♣

Tout commence par les lettres que s’envoient deux femmes très différentes : Sara Lindqvist, vingt-huit ans, petit rat de bibliothèque mal dans sa peau, vivant à Haninge en Suède, et Amy Harris, soixante-cinq ans, vieille dame cultivée et solitaire, de Broken Wheel, dans l’Iowa. Après deux ans d’échanges et de conseils à la fois sur la littérature et sur la vie, Sara décide de rendre visite à Amy. Mais, quand elle arrive là-bas, elle apprend avec stupeur qu’Amy est morte. Elle se retrouve seule et perdue dans cette étrange petite ville américaine.
Pour la première fois de sa vie, Sara se fait de vrais amis – et pas uniquement les personnages de ses romans préférés –, qui l’aident à monter une librairie avec tous les livres qu’Amy affectionnait tant. Ce sera pour Sara, et pour les habitants attachants et loufoques de Broken Wheel, une véritable renaissance.
Et lorsque son visa de trois mois expire, ses nouveaux amis ont une idée géniale et complètement folle pour la faire rester à Broken Wheel…

La Bibliothèque des cœurs cabossés c’est ce joli livre que l’on voit fleurir un peu partout sur les blogs ces dernières semaines. Traduit et publié en France par les éditions Denoël, ce roman offert par Katarina Bivald séduit et déplaît tout autant. A priori, peu de juste milieu après avoir parcouru les mots de l’auteure suédoise : soit on adhère totalement à son héroïne et ses aventures, soit on passe à côté !
De mon côté, sans aller jusqu’au coup de cœur, je me suis sentie bien dans cette lecture et j’en avais bien besoin à ce moment-là. Cette histoire ne marquera pas mon esprit indéfiniment mais elle m’a réconfortée et je pense que j’aurai plaisir à m’y replonger dans quelques années.

Plus d’une fois lors de ma lecture je me suis surprise à penser au film Le Chocolat avec Juliette Binoche et Johnny Depp (adapté du livre éponyme de Joanne Harris que je n’ai pas encore lu) dans lequel l’arrivée d’une mère célibataire dans un tout petit village français va bouleverser l’ordre bien établi, révéler des secrets, libérer les peines…
Ici, point de mère célibataire mais une jeune libraire suédoise légèrement névrosée du livre, dans un village paumé de l’Iowa. Elle aussi va laisser une trace particulièrement durable de son passage car à Broken Wheel, nombreux sont les habitants qui ont bien besoin d’une transformation ! Des sentiments gardés secrets, des passés difficiles, des choix de vie marginalisés…
Sara va jouer le rôle du pilier autour duquel tous vont se rassembler pour mener à bien une quête commune. J’ai aimé ces tranches de vie dévoilées petit à petit, cette insertion dans le quotidien d’étrangers que l’on apprend à connaître et à apprécier au fil des pages. Des gens normaux qui doivent faire face aux difficultés de la vie ; en somme des figures touchantes.

Sara, l’héroïne de ce roman, m’a globalement plu. J’ai apprécié sa simplicité et son amour des livres et de la littérature mais son rapport avec la fiction a presque quelque chose de malsain. Elle se réfugie à corps perdu dans la lecture et semble ne plus avoir une idée claire de la barrière qui sépare la fiction de la réalité, a priori trop souvent déçue par ce qu’elle trouve dans cette dernière. Attention, une certaine Emma a aussi beaucoup bovarysé et ça s’est mal terminé pour elle ! Alors oui, en tant que gros lecteurs on peut effectivement se reconnaître dans quelques comportements et réactions de Sara et pourquoi pas, dans une moindre mesure, dans cette légère inaptitude à la vie réelle et sociale, mais j’ose espérer que ce n’est pas autant le cas (ou alors c’est très triste) ou que, du moins, ce n’est pas exactement l’image qu’ont les gens des gros lecteurs.
Je suis un peu dure avec cette jeune femme qui se réfugie dans les mots, malgré tout, elle demeure attachante et son évolution progressive donne le sourire. J’aime assez le message qui se dégage finalement (en tout cas celui que je me plais à y voir) : la lecture et la vie réelle ne sont pas incompatibles, on peut lire beaucoup tout en n’oubliant pas de vivre sa vie à côté, le juste milieu est à trouver et quand le besoin de réconfort se fait sentir (mais que l’entourage n’est pas dans le coin), rien de tel qu’un bon bouquin !

Le personnage qui m’aura finalement le plus « déçue » c’est Tom. Alors oui, sa présence embellit la vie de Sara et donc l’histoire, mais il est exactement là où on l’attend, et ce, dès qu’on le rencontre. Il est sans surprise, incarnant le bel homme célibataire du coin, bien sous tout rapport mais quand même un poil mystérieux. C’est décevant sans l’être car, comme pour les comédies romantiques, c’est une présence rassurante qui nous promet – on en est quasiment sûrs très rapidement – un « tout est bien qui finit bien ».

A vrai dire, on ne peut pas non plus dire que l’intrigue brille par son originalité et son rythme mais encore une fois, elle permet aux lecteurs de se sentir bien, de se balader dans cette petite ville perdue au milieu de nulle part, de prendre ses marques et de suivre les destinées des habitants après l’arrivée de Sara dans leur quotidien. Sara qui, étrangère esseulée en apprenant la mort de son hôte, a l’idée saugrenue d’ouvrir une librairie.
La situation, souvent cocasse, donne parfois l’illusion d’être à Bisounoursland (ouvrir une librairie comme ça, au milieu de nulle part, loin de son pays d’origine, sans papier – ou presque – sans argent – ou presque -, juste en comptant sur l’aide et la bénédiction des habitants du coin… ça existe, pour de vrai ?), mais encore une fois, ça fait du bien. C’est un enchaînement de rencontres, de décisions et d’échanges qui vont toujours dans le bon sens, comme si une marionnettiste tirait les ficelles en haut, faisant en sorte que tout soit en ordre. Je vous l’accorde, ça fait sourire, ce n’est pas très crédible… mais « who cares ? » !

katarina bivald portraitJ’ai été assez surprise par le choix du point de vue externe (voire omniscient ?) pour la narration. On serait tentés d’imaginer cette histoire sous forme de journal intime à la première personne du singulier, ce qui aurait renforcé l’empathie et l’identification à l’héroïne mais en même temps, pouvoir être sur tous les fronts (ou presque) et avoir accès aux vies (et pensées) des autres personnages, donne l’illusion d’assister – vue d’en haut – à un jeu où les personnages seraient les pions.
J’ai notamment apprécié l’introduction des lettres écrites par Amy à destination de Sara, insérées entre certains chapitres. Le lecteur peut ainsi en apprendre plus sur la vie de cette vieille dame bienveillante et appréciée par tous, et se rendre compte que, finalement, c’est peut-être elle qui tire (tirait) les ficelles depuis le début ?

Katarina Bivald vit dans le monde du livre, ça se voit, ça se sent. Elle glisse de nombreuses références littéraires au fil des pages, de Tom Sawyer à Bridget Jones, tout y passe. Elle aime les histoires et l’effet bénéfique que celles-ci ont sur les gens et le monde qui nous entoure. Avec ce roman, l’auteure nous montre – parfois un peu naïvement – que tout le monde peut trouver le livre qui lui convient, celui qui déclenchera la passion pour la lecture et, que vous soyez jeune ou vieux, homme ou femme, peu importe le livre que vous choisissez, vous ne serez pas définis par vos choix de lectures ! Le message est positif et rassurant.

En refermant cette Bibliothèque des cœurs cabossés je comprends mieux les arguments des lecteurs qui n’ont pas accroché mais en même temps, je suis d’accord avec les éléments apportés par ceux qui ont adoré, parce que même si ce roman n’est pas le roman du siècle pour moi, il m’a agréablement accompagnée sur un bout de chemin. Son intrigue un peu attendue au pays des « Bisounours » a été un réel réconfort pour moi et fera, je n’en doute pas, le même effet « doudou » à bien d’autres lecteurs. Une lecture qui fait du bien, tout simplement et parfois, on n’attend pas plus d’un livre.

 

Merci beaucoup à Denoël pour cette agréable découverte !

 

Illustration : Portrait de Katarina Bivald.

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