No et moi de Delphine de VIGAN

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No et moi

de Delphine de VIGAN
Le Livre de Poche,
2009, p. 256

Première Publication : 2007

Pour l’acheter : No et moi

Delphine de Vigan est une romancière et réalisatrice française née le 1er mars 1966 à Boulogne-Billancourt. Elle est l’auteur de sept romans dont No et moi en 2007 qui a été couronné par le prix des libraires.

♣ ♣ ♣

Lou Bertignac a 13 ans, un QI de 160 et des questions plein la tête. Les yeux grand ouverts, elle observe les gens, collectionne les mots, se livre à des expériences domestiques et dévore les encyclopédies.
Enfant unique d’une famille en déséquilibre, entre une mère brisée et un père champion de la bonne humeur feinte, dans l’obscurité d’un appartement dont les rideaux restent tirés, Lou invente des théories pour apprivoiser le monde. A la gare d’Austerlitz, elle rencontre No, une jeune fille SDF à peine plus âgée qu’elle.
No, son visage fatigué, ses vêtements sales, son silence. No, privée d’amour, rebelle, sauvage.
No dont l’errance et la solitude questionnent le monde.
Des hommes et des femmes dorment dans la rue, font la queue pour un repas chaud, marchent pour ne pas mourir de froid. « Les choses sont ce qu’elles sont ». Voilà ce dont il faudrait se contenter pour expliquer la violence qui nous entoure. Ce qu’il faudrait admettre. Mais Lou voudrait que les choses soient autrement. Que la terre change de sens, que la réalité ressemble aux affiches du métro, que chacun trouve sa place. Alors elle décide de sauver No, de lui donner un toit, une famille, se lance dans une expérience de grande envergure menée contre le destin. Envers et contre tous.

L’avantage des séjours loin de mon appartement (et donc de ma bibliothèque) c’est que je n’ai avec moi que les livres installés dans ma liseuse et qui sont généralement des ouvrages qui traînent dans ma PAL (Pile à Lire) depuis des années. Je n’ai pas trop le choix, ce qui me permet de faire un peu de vide en dépoussiérant mes étagères.
No et moi fait partie de ces petits poches récupérés çà ou là et que j’avais complètement oubliés. Il semble avoir fait l’unanimité auprès des lecteurs ; j’étais donc curieuse de me frotter à la plume de Delphine de Vigan.
Finalement, moi qui ne lis qu’assez peu de littérature contemporaine (parce que ça m’ennuie), je sors très satisfaite de cette découverte à la fois émouvante et assez réflexive.

On suit l’histoire du point de vue de Lou, 13 ans, adolescente au QI très élevé, particulièrement peu adaptée à la société qu’elle côtoie quotidiennement. Elle se balade en cours, maîtrisant tous les sujets sans difficulté, mais elle ne parvient pas à trouver sa place au sein de la classe. Chez elle ce n’est pas mieux car suite à la perte tragique d’un bébé, ses parents ne sont plus les mêmes. En grande dépression, sa mère semble enfermée dans une bulle infranchissable ; la communication avec elle est complètement coupée. Lou est donc doublement isolée, à cause de sa différence qui lui apporte de grosses difficultés de sociabilisation, et à cause de sa situation familiale.
Un jour, complètement terrifiée à l’idée de devoir présenter un exposé devant tous ses camarades de classe, la jeune fille invente un sujet sur le vif : elle compte interviewer une jeune femme SDF. Une fois l’annonce faite et le professeur particulièrement emballé par la question, Lou n’a plus qu’à trouver un individu pour sa nouvelle expérience grandeur nature… et c’est No qu’elle rencontre sur le quai de la gare. No, 18 ans qui, au fil des rendez-vous autour d’un café (ou d’un verre) va se révéler.
Derrière l’exposé et l’expérience quasi scientifique, c’est une véritable amitié et tendresse qui va se nouer entre les deux jeunes filles, toutes les deux inadaptées et rejetées par la société.

J’ai beaucoup aimé cette plongée dans le quotidien et les réflexions de Lou, à la fois très mature sur certains points et en même temps très naïve sur d’autres. C’est une gamine touchante et pour laquelle on ressent de l’empathie malgré sa différence (qui pourrait mettre une barrière entre elle et les lecteurs). L’utilisation du point de vue interne accentue évidemment la donne. Malgré ses jeunes années, Lou écrit bien, elle lance parfois quelques idées en l’air, quelques réflexions un peu naïves qui viennent alléger les propos par ailleurs assez dramatiques.
Mais ce que j’ai apprécié dans cette lecture c’est que la narratrice – et donc par extension Delphine de Vigan – ne tombe pas dans l’exagération pour faire pleurer dans les chaumières. Le passé des personnages (notamment celui de No) est abordé mais avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité, on ne tombe pas dans le pathos agaçant. Les émotions sont là, authentiques et particulièrement palpables.

delphine de viganNo, justement, est elle aussi une figure forte. Une enfance difficile, une mère absente car ne pouvant prendre ses responsabilités, une adolescence passée dans plusieurs foyers, la fuite, le froid, la faim et surtout la solitude et cette impression de ne jamais se sentir aimée.
Quand Lou lui propose de venir vivre chez elle, au sein de sa famille, la cohabitation n’est pas si simple. Les parents réagissent finalement avec bonté et enthousiasme à l’arrivée de cette jeune fille SDF qu’ils ne connaissent ni d’Eve ni d’Adam (rares sont ceux qui en feraient autant je pense) mais No, après des débuts prometteurs, retrouve de vieux démons. Delphine de Vigan ne joue ni la facilité ni le cliché et offre une personnalité assez complexe à ce personnage. J’ai apprécié son évolution au fil des pages et surtout le chemin qu’elle emprunte lors du dénouement. Ce n’est ni tout blanc ni tout noir, c’est la vie tout simplement.

Le seul petit « reproche » que je pourrais apporter à cette lecture réside dans le personnage de Lucas qui prend le contre-pied de Lou. Redoublant récidiviste, bad boy notoire, il va pourtant entrer dans la vie de la jeune adolescente et l’aider lorsqu’elle sera seule face à la détresse de No. Ce n’est pas une figure inutile mais pour le coup j’ai trouvé que c’était un peu « trop ». Cela paraît bien commode pour l’histoire que la petite surdouée noue une relation forte avec le « mauvais garçon » de 4 ans son aîné et c’est peut-être le côté le moins « réaliste » de ce court roman. Peut-être l’élément qui n’était pas nécessaire et qui semble rajouter pour dire de rajouter des sentiments amoureux dans la vie déjà chargée et compliquée de Lou.

Finalement, moi qui redoute toujours un peu la lecture de textes contemporains, je suis heureuse d’avoir découvert celui-ci. Le message est beau, bien amené et malgré les drames, Delphine de Vigan n’oublie pas d’apporter sa touche d’espoir. Malgré tout, la littérature contemporaine ne fera jamais partie de mes genres de prédilection, trop proche du quotidien et donc trop déprimante pour moi.

 

 

8 réflexions sur “No et moi de Delphine de VIGAN

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