Faërie de Raymond E. FEIST
Faërie
de Raymond E. FEIST
Milady,
2009, p. 633
Première Publication : 1988
Pour l’acheter : Faërie
Il s’agit d’une lecture commune en compagnie de Praline.
Voilà sa chronique !
Raymond Elias Feist, né en décembre 1945 à Los Angeles en Californie, est un écrivain américain de fantasy.
♣ ♣ ♣
La vieille ferme isolée dans les bois les avait séduits. La maison était splendide et étrange. Phil et Gloria pensaient trouver le calme après la vie agitée d’Hollywood derrière les portes des maisons anciennes, sous les ponts perdus au fond des bois, se cachent souvent des êtres magiques, des forces obscures, et la maison du vieux Kessler ne fait pas exception.
Les enfants du couple sont les premiers à y être sensibles. D’abord les jumeaux, qui y voient la présence des fées et du vieux peuple des légendes ; ensuite leur fille, dont la beauté attise le désir d’êtres plus inquiétants… Jusqu’à ce qu’ils deviennent tous les jouets de puissances inconnues, des pions dans une guerre éternelle et sanglante.
Faërie m’a été chaudement recommandé par Révérence avec laquelle je partage de nombreux goûts communs et en qui j’ai toute confiance. Elle me l’a conseillé suite à notre premier séjour en Irlande et je comprends dorénavant pourquoi. D’ailleurs, la lecture n’aurait certainement pas eu la même saveur sans mon amour et ma légère connaissance du pays et de son folklore.
Ce petit pavé de plus de 600 pages peut effrayer de prime abord mais il fait partie de ces ouvrages que l’on dévore sans s’en rendre compte. A la fin de ma lecture, je me suis fait la réflexion que je n’avais quasiment pas vu le temps passer (à part quelques passages un peu plus longuets au milieu du texte) mais surtout, je me suis demandée ce que je pensais vraiment de cette découverte.
Aujourd’hui encore, après quelques jours de réflexion, je ne sais toujours pas comment me placer et je joue ambiguïté : ai-je vraiment beaucoup aimé cette histoire ou me laisse-t-elle un sentiment plus mitigé ? Malgré quelques aspects un peu faibles et l’étrange sensation de malaise ressentie à cette lecture, Faërie marquera mon parcours de lectrice et restera très certainement ancrée dans mon esprit pour un très très très long moment. Je ne peux, de ce fait, que remercier Raymond E. Feist pour cette histoire étrange et la conseiller à qui sera tenté !
Commençons tout de suite par évacuer ce qui affaiblit un peu l’ensemble : les personnages. Pas inintéressants ou antipathiques en soi mais malheureusement un peu trop stéréotypés pour en faire des figures complexes et attachantes, la petite dizaine de personnages mis en scène par Raymond E. Feist évolue autour d’un noyau central : la famille Hasting. Composée de cinq membres, celle-ci donne l’impression d’être parfaite et de sortir d’une publicité… je ne dis pas que pour être crédible il faudrait que les parents se disputent et que les gamins se tapent dessus mais l’entente parfaite de tous + la trop grande facilité à tout surmonter est un peu too much. C’est la famille Ingalls version fantastique. On a presque envie de les secouer pour qu’ils sortent de leur torpeur et pour faire des plis dans leur enveloppe trop lisse. Malgré tout ils ne sont pas non plus désagréables à suivre. Ils peuvent juste laisser assez indifférent.
Les figures secondaires paraissent avoir un peu plus de relief, le voisin Barney par exemple, que j’ai plutôt apprécié lors de ses rares apparitions ou encore les jeunes chercheurs théologiens. Jack incarne en revanche parfaitement le rôle du petit ami potiche qui ne sert strictement à rien. D’ailleurs, sa relation digne d’un conte de fées avec Gabbie ne m’a absolument pas convaincue, je n’y ai jamais cru.
Finalement, seuls les deux jumeaux de 7/8 ans, Patrick et Sean (on ne peut pas faire plus irlandais), sortent leur épingle du jeu et réussissent à convaincre. La relation qui les unit, mi-fusionnelle mi-conflictuelle et les différences qui les éloignent parfois sont crédibles et apportent une touche de relief vraiment bienvenue. Heureusement, au bout d’un moment, l’intrigue se concentre surtout sur eux et sur l’évolution de leur rencontre avec le Petit Peuple.
Parce que oui, figurez-vous que la famille Hasting a emménagé dans une vieille maison paumée près des bois et va devoir vivre avec une force ancienne déjà installée ici. Chacun des membres rencontrera les fées, tour à tour charmeuses et sauveuses ou malsaines et cruelles. Les Hasting habitent sur un secret occulte bien gardé mais le Petit Peuple a bien envie de jouer…
Ce folklore irlandais m’a ravie. Je trouve que Raymond E. Feist a bien perçu l’atmosphère qui lui est propre (entre attirance et répulsion) et a surtout su la retranscrire dans ce roman. Les scènes avec des éléments fantastiques commencent assez rapidement et s’inscrivent naturellement dans le quotidien. On en vient presque à se demander si nous aussi nous ne risquons pas un jour d’être témoin d’une danse magique au sommet d’une colline, de rencontrer un forgeron d’un autre temps au milieu des bois ou de ressentir une force néfaste en traversant le pont d’un troll. Quelques scènes m’ont fait froid dans le dos (notamment celle ou la Chose noire se glisse dans la chambre des jumeaux) mais en même temps, qui n’a pas envie de rencontrer les fées ? Le roman joue constamment entre attraction et horreur, j’ai adoré !
L’auteur utilise de nombreux éléments de notre imaginaire, souvent issus de la mythologie irlandaise. Les références sont nombreuses mais si vous avez lu Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare et avez déjà eu vent du passage de la Chasse sauvage, vous ne serez pas surpris de croiser entre ces pages la souveraine Titania, le rusé Puck ou encore un cavalier portant une couronne d’andouillers. De même, vous comprendrez vite le subterfuge et ne vous laisserez pas avoir par un changelin déposé par les méchantes fées… Car sous leurs airs charmeurs et leurs belles apparences, méfiez-vous, l’espièglerie, la ruse et la cruauté ne sont jamais loin.
Même si l’intrigue reste basique et prend petit à petit le chemin d’une quête traditionnelle et même si certains passages laissent un peu à désirer au niveau du rythme (le soufflé retombe parfois un petit peu), les pages se tournent extrêmement vite, c’en est même assez surprenant.
En m’attaquant à un maître de la fantasy et du fantastique, j’avais un peur de tomber sur un style un peu emprunté (je crois que je ne me suis toujours pas remise de ma tentative de découverte d’Elric de Michael Moorcock que j’ai trouvé assez imbuvable). Ici, vraiment aucune difficulté à signaler, c’est au contraire assez simple (voire parfois presque « trop » simple ?) et carrément fluide. Le lecteur n’est pas noyé sous les descriptions, même si celles-ci sont bien présentes, ni sous les dialogues inutiles ; c’est finalement assez bien dosé. La relative brièveté des chapitres participe également à la dynamique de lecture (« Allez, encore un petit chapitre avant de se coucher ? ») et transforme finalement ce petit pavé en parcours de santé.
Vous l’avez constaté, ce titre n’est pas exempt de défauts. Il restera pourtant un souvenir très vivace dans ma mémoire et aura participé à consolider mes connaissances et mon imaginaire résultant du folklore irlandais. Je suis vraiment très heureuse de l’avoir enfin lu, ne regrette absolument pas et suis tentée de le conseiller à qui s’intéresse un minimum au Petit Peuple !
Illustrations : (1) Portrait de Raymond E. Feist trouvé sur Elbakin – (2) The Kelpie, Herbert Draper (qui donne assez bien cette impression de « Viens nager avec moi… que je te noie ! »)
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Hello!
J’aime beaucoup ta chronique sur Faerie que je suis en train de lire. Je suis d’accord avec ton point de vue sur les personnages. En revanche, je vois la romance entre Jack et Gabbie comme un contre-pied à cette histoire. La volonté d’écrire un conte de fée, et de lui faire vivre dans un monde de Faerie, en démontrant finalement qu’il est sans saveur…
Si tu as aimé, je te conseille vivement La Trilogie de L’Empire du même auteur.
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J’ai eu des sentiments ambigüs moi aussi : il y a bien quelques détails qui m’ont semblé étonnants mais la lecture en général m’a emballée (je l’ai conseillé à une amie qui l’a dévoré). D’autres livres qui me font penser à celui-ci, sur la thématique fantastique (rencontre petit peuple – humain) : D’autres royaumes de Matheson (j’ai bien aimé mais j’ai aussi un peu de réserve) et l’excellent « L’épouse de bois » de Windling : celui-ci se passe en Arizona (!) mais il est encore plus magique (dans le sens prenant) que Faërie ou D’autres royaumes.
Merci pour cette LC ! Comme toi, j’ai vraiment été refroidie par les personnages vraiment trop lisses pour que l’on éprouve la moindre empathie à leur égard…
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Ça donne envie ! Er il rentre dans le challenge.
J’ai vu que tu avais pas mal de lecture qui y sont rentrés mais tu ne m’as pas donné les liens. Un message ou un comm à l’occasion me permettrait de compléter le billet recap 😉