Une Île de Tracey GARVIS GRAVES
Une Île
de Tracey GARVIS GRAVES
Milady
2014, p. 402
Première Publication : 2011
Pour l’acheter : Une île
Tracey Garvis Graves vit dans la banlieue de Des Moines, dans l’Iowa, avec son mari, ses deux enfants et un chien débordant d’énergie. Tracey aime lire, écrire, boire du vin et regarder des séries – notamment Lost, dont elle est une fan inconditionnelle ! Une île est son premier roman. Il s’est rapidement classé parmi les meilleures ventes de The New York Times, USA Today et Wall Street Journal. Ce best seller a donné lieu à une traduction dans plus d’une vingtaine de pays, et une adaptation cinématographique est également prévue.
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Anna Emerson n’hésite pas un instant lorsque les Callahan lui proposent de se rendre aux Maldives pour donner des cours à leur fils T.J., en rémission d’un cancer. Mais rien ne se passe comme prévu : le jet privé à bord duquel ils ont embarqué se crashe au beau milieu de l’océan Indien. Les voici naufragés sur une île déserte où ils vont devoir apprendre à survivre. Si l’adolescent rechute, rien ne pourra le sauver. Anna se sent malgré tout étrangement attirée par son compagnon d’infortune. Alors que chacun d’eux n’a plus que l’autre pour unique horizon, leur seule chance de s’en sortir est ce lien précieux qui ne cesse de grandir entre eux.
Une Ile c’est le best-seller qui a remué la blogosphère il y a quelques mois lors de sa première sortie chez Milady en grand format (collection Grande Romance). Ainsi, lorsqu’Aurélia m’a proposé de le découvrir lors de sa réédition poche, j’étais hyper curieuse et à vrai dire, vraiment désireuse d’avoir moi aussi un coup de cœur pour cette histoire. Parce que rêver auprès des personnages et ne plus avoir envie de lâcher un bouquin, ça fait longtemps que ça ne m’est pas arrivé et ça me manque. J’avais bon espoir que cette romance qui a séduit plus d’un lecteur aurait le même effet sur moi… mais c’était sans compter sur mon exigence et ma bougonnerie.
Pas de 20/20 pour moi, bien loin de là ! Rien ne m’a convaincue dans cette lecture, je lui reconnais simplement la légère originalité de sa romance et le fait qu’elle ait vite été lue, ce qui m’a vidé la tête. Un rendez-vous raté, quel dommage !
Le livre s’ouvre sur la découverte des deux futurs héros – Anna et T. J. – attendant d’embarquer à l’aéroport. Elle, elle est enseignante, a la trentaine, vit depuis plusieurs années avec un homme qui ne veut pas s’engager alors qu’elle rêve de se marier et d’avoir des enfants. Lui, il n’a pas 17 ans, vient de combattre vaillamment un cancer et a accepté de suivre des cours pendant l’été pour rattraper le retard dans l’année à cause de sa santé. Les parents (et les deux petites sœurs) sont déjà sur place dans une des îles balnéaires du Pacifique, ayant accepté que leur fils retarde sa venue afin de pouvoir passer quelques jours en plus en compagnie de son meilleur amie. Anna a dû attendre que les cours qu’elle donne se terminent avant d’embarquer pour l’été… la décision a été prise, enseignante et futur élève voyageront ensemble jusqu’à l’île paradisiaque. Mais bien sûr, rien ne se passe comme prévu. Après des dizaines d’heures d’attente et de changements d’avions, il ne leur reste enfin plus qu’une ou deux heures de voyage pour atteindre la destination tant rêvée. Plus qu’un tout petit trajet en hydravion et l’enfer du voyage prendra fin. Oui mais voilà, le pilote mange trop de burgers, ses artères sont bouchées et voilà qu’il fait une crise cardiaque au dessus de l’océan ! Il n’a évidemment pas le temps d’amerrir, c’est la chute au milieu de nulle part. Quasi mort sur le coup, il laisse ses deux passagers livrés à eux-mêmes au milieu des vagues. Par pure chance, Anna et T. J. finissent par s’échouer sur une plage pas trop hostile. C’est le début d’une (très) longue période de survie.
Passés les invraisemblances et les clichés du crash, les débuts sur l’île ne sont pas inintéressants et c’est même plutôt agréable à parcourir. Les deux naufragés doivent faire avec ce qu’ils trouvent et affronter pas mal de soucis que l’on ne connaît plus, trop habitués que nous sommes à la vie civilisée. C’est plutôt réaliste et pas trop édulcoré, on peut au moins reconnaître ça à l’auteure (à part peut-être le coup du feu, mais bon, T. J. est peut-être un fan de Koh Lanta ?). Par contre, très vite une certaine routine se met en place aussi bien pour les deux héros que pour le lecteur et c’est malheureusement vite assez lassant. Ils vont recueillir les fruits de l’arbre à pain et les noix de coco, s’éloignent pour faire pipi, vont se baigner (heureusement la valise d’Anna bourrée à craquer de shampooing et de mousse à raser – faudrait pas finir poilu sur l’île déserte – s’échoue sur la plage très rapidement), jouent avec les dauphins… bref, c’est lassant.
Et puis, sans trop vous en dire non plus, cette survie finit par s’étaler sur de nombreux mois (et même année) ce qui pose tout de même la question du réalisme et de la crédibilité de l’histoire. Ok ils sont deux pour se soutenir, ok ils parviennent finalement à s’alimenter de façon un peu plus variée et je peux concevoir que le corps humain (et l’esprit) s’adapte à toute sorte de situation. Mais j’ai quand même du mal à croire que ces deux-là s’en sortent si longtemps avec si peu de problèmes (de santé notamment même si l’auteure ajoute quelques passages de suspense pour occuper un peu le lecteur).
Outre cette histoire de survie, l’auteure met évidemment en place une romance. Après tout, deux personnes sur une île déserte, peu importe leur âge, on peut facilement concevoir que l’attirance se renforce au fil des mois. Les liens se resserrent, l’amitié se transforme petit à petit. C’est crédible et la différence d’âge (13 ans) des deux héros ne m’a pas gênée, j’ai même trouvé ça assez « original » et pas trop trop mal mené. Malgré tout, je n’y ai jamais cru, pas une seule seconde. Je n’ai tellement pas été touchée-émue-émoustillée par cette relation que les quelques scènes de rapprochement des deux protagonistes m’ont plus paru ridicules qu’autre chose. Quand on lit un livre qui nous annonce une belle romance, on s’attend à ressentir quelque chose… dommage pour moi, je suis passée à côté !
Et la deuxième partie du texte, différente dans le contexte et l’approche, ne m’a pas davantage convaincue. La romance évolue, change de perspectives mais m’a une fois encore laissée de marbre. J’ai même trouvé la fin assez mièvre même si je peux comprendre qu’elle ait ravie un bon paquet de lecteurs.
La question de la différence d’âge, ce qu’elle entraîne pour les deux amoureux et la façon dont elle est perçue par le reste du monde n’est pas anodine et comme dit plus haut, pas inintéressante. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une relation prof-élève. Anna doute beaucoup et hésite un bon moment avant de se lancer. T. J. n’a que faire de la situation, seulement persuadé de son amour pour la jeune femme. Sur leur île, le souci est moindre mais tout change lorsqu’ils sont à nouveau dans le monde civilisé. Mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous spoiler.
Je n’ai pas vraiment cru à cette histoire de survie, encore moins à la romance qui en découle et globalement, je n’ai pas vraiment accroché avec les deux héros. Des deux, s’il faut choisir, j’ai peut-être eu une préférence pour T. J. qui m’a semblé assez mature, la tête sur les épaules et plein d’initiatives. En revanche, j’ai trouvé Anna particulièrement gamine et assez matérialiste et si j’ai pu percevoir l’amour de T. J. pour sa compagne, j’ai difficilement été convaincue par l’état amoureux de la trentenaire.
Ce manque d’émotions vient certainement des personnages et de leurs agissements mais aussi du style de Tracey Garvis Graves que j’ai trouvé assez pauvre finalement et plutôt mécanique. Je ne parle même pas des paragraphes bourrés de répétitions et des dialogues assez nuls parce que c’est peut-être mieux en anglais ? L’auteure essaye de créer deux voies en offrant tour à tour à la parole à ses personnages dans de courts chapitres… mais là encore, ce n’est pas vraiment réussi et invite à la répétition. Les ellipses narratives m’ont aussi beaucoup surprise. Alors oui, heureusement que l’auteure n’a pas détaillé chaque jour de toutes ces années sur l’île (comme elle le fait au tout début), heureusement qu’elle a sauté plein de passages mais le résultat est bancal et très bizarre. Ce qui a aussi accentué mon sentiment de détachement complet, à mon avis.
En fait, ce texte (et malheureusement beaucoup de romances lues jusqu’à ce jour) me donne l’impression d’une blague, comme si un sombre auteur de fanfictions sur internet avait un jour eu envie de coucher ses fantasmes sur papier et avait la chance de se faire éditer. Alors quand je lis(ais) des fanfictions j’étais conscience de cet aspect « fantasmé » à ne pas trop prendre au sérieux car plein d’invraisemblances et de ridicule (quoique certaines sont excellentes !) mais lorsque je lis un livre édité par un vrai éditeur (de renom qui plus est), je m’attends à un truc beaucoup plus travaillé. Et émouvant, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une romance.
Je m’attendais à une belle histoire d’amour pleine d’émotions ou au moins à m’attacher un minimum aux deux héros… je suis tombée sur une île finalement assez lassante, peu propice au rêve et peu enthousiasmante. Niveau romance j’ai lu cent fois mieux mené et cent fois plus attendrissant. Un enthousiasme de masse que je ne comprends malheureusement pas !
Merci tout de même à Aurélia pour la découverte !
Illustration : portrait de Tracey Garvis Graves trouvé sur Google.
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Je passe mon tour. En général, ce genre de romans ne m’attirent pas du tout et je m’en porte pas plus mal. Il est difficile de trouver de la bonne romance sans qu’elle soit gnangnan ou bidon.
Moi qui lit assez peu de critiques, c’est la deuxième je survole aujourd’hui (sur deux romans et dans des styles très différents) et il en ressort un même constat : celui de livres pourvus d’une écriture pauvre, d’une narration chétive et pourtant édités par des maisons ayant pignon sur rue et qui connaissent un certain, voire un grand succès.
J’ai lu dans un interview, mais je ne sais plus où, que la qualité du livre n’avait plus vraiment d’importance aux yeux des éditeurs grands comptes, que seul comptait le potentiel des ventes… ça me paraît un bon exemple.
Dans notre société, l’important c’est le rendement… malheureusement. Je peux comprendre le choix de la maison mais par contre, j’ai du mal à comprendre les 20/20 et nombreuses autres notes extrêmement élevées données à ce titre (et à d’autres du même acabit). C’est dommage que de très bons textes (aussi bien dans le fond que dans la forme) soient éclipsés par des best seller assez médiocres finalement.
C’était quel roman l’autre chronique ? Je suis curieuse. 🙂