Morwenna de Jo WALTON
Morwenna
de Jo WALTON
Denoël (Lunes d’encre),
2014, p. 334
Première Publication : 2011
Pour l’acheter : Morwenna
Jo Walton, née le 1er décembre 1964 à Aberdare au Pays de Galles, est une romancière britannique de science-fiction et de fantasy.
♣ ♣ ♣
Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghust, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privé à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Loin de son pays de Galles natal, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres, notamment des livres de science-fiction. Samuel Delany, Roger Zelazny, James Tiptree Jr, Ursula K. Le Guin et Robert Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Alors qu’elle commence à reprendre du poil de la bête, elle reçoit une lettre de sa folle de mère : une photo sur laquelle Morganna est visible et sa silhouette à elle brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est sa mère ? Elle peut chercher dans les livres le courage de se battre.
Grand vainqueur de plusieurs prix littéraires et semblant particulièrement apprécié des blogueurs anglo-saxons et français, j’étais très curieuse de découvrir à mon tour ce fameux Morwenna. Une jeune fille qui voit des fées au Pays de Galle… il ne m’en fallait pas bien plus pour m’intriguer et terriblement me tenter.
Finalement, ni coup de cœur ni véritable déception pour cette jolie lecture qui laisse une étincelle de magie et d’espoir plusieurs jours après avoir tourné la dernière page. Je suivrai les futures traductions des œuvres de Jo Walton (apparemment déjà une dizaine publiées en vo).
En parcourant la première ligne, je n’étais pas du tout préparée à ce que j’allais découvrir. En ayant une vague connaissance du synopsis, je classais un peu bêtement cet ouvrage dans le genre « fantastique » (pas le fantastique originel du XIXe, celui que l’on voit dans les oeuvres actuelles) mais très vite, je me suis rendue compte que je me fourvoyais. Les éléments merveilleux sont certes présents tout au long du récit mais ils ne sont pas au centre de celui-ci. Ils sont plutôt là pour installer une ambiance, une atmosphère et pour témoigner du folklore existant au Pays de Galle.
Si vous souhaitez lire Morwenna en pensant y trouver des licornes et des fées avec des paillettes, passez votre chemin. Jo Walton nous livre en effet le journal intime d’une jeune adolescente de 15 ans déjà bien marquée par la vie malgré son jeune âge. Elle cherche à reprendre le cours de sa vie après une terrible épreuve et nous relate ce quotidien qu’elle tente de réapprivoiser pas à pas. Pas de folles actions, de combats contre des dragons ou des trolls, non. Juste les journées plus ou moins similaires de Morwenna – qui préfère qu’on l’appelle Mori – alors qu’elle intègre un pensionnat anglais pour jeunes filles. Après l’accident qui a coûté la vie à Morganna – sa sœur jumelle -, notre héroïne fuit le joug maternel pour se réfugier chez un père biologique qu’elle découvre pour l’occasion. Celui-ci ne possède malheureusement pas son entière liberté puisqu’il dépend de ses trois riches sœurs qui lui tiennent la bride. Ce sont d’ailleurs les trois femmes qui décident d’envoyer leur nouvelle nièce en pension et qui prennent tous les frais à leur charge.
Cette nouvelle vie difficile se voit adoucit par la lecture. Mori est en effet une dévoreuse de livres qui, à cause de son handicap la privant d’exercices physiques, parvient à terminer jusqu’à deux livres dans une même journée. La bibliothèque de l’école est bientôt trop limitée pour elle mais heureusement, la bibliothèque de la ville voisine propose l’invention du siècle : le prêt entre bibliothèques. Chaque samedi, l’adolescente prend le bus, impatiente de mettre la main sur les ouvrages commandés… et puis, elle apprend qu’un club de lecture tourné vers la science-fiction se réunit chaque mardi soir ; c’est sûr, elle doit en faire partie ! Malgré son lourd passé et ses handicaps, Mori fait des rencontres et s’ouvre petit à petit au monde… grâce aux livres de SF !
Chaque jour, l’héroïne nous parle des découvertes qu’elle fait et nous cite de nombreux titres. Certains lecteurs y ont trouvé leur compte puisqu’y ont pioché de nombreuses nouvelles idées de lectures, d’autres n’ont pas forcément vu l’intérêt de cette accumulation qui prend parfois la forme d’un catalogue de titres lancés sans réels liens et utilité pour l’ensemble. Pour ma part, je me situe un peu entre les deux. J’ai en effet eu parfois la sensation de lire une énumération d’œuvres dont je n’avais jamais entendu parler, qui ne me parlaient donc pas du tout et je passais donc sur le titre sans rien retenir ; mais en même temps, j’ai parfois eu très envie de prendre une feuille et un crayon pour noter telle ou telle référence ! Cet aspect-là me laisse donc un goût mitigé, variant selon les moments du récit, selon les paragraphes et la façon dont ceux-ci étaient menés.
L’autre point qui me laisse aussi un peu mitigée est l’utilisation de la magie. Je vous le disais plus haut, je ne m’attendais pas à ça en entamant ma lecture et je me suis vite rendue compte de ma méprise. Malgré tout, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir un « trop peu » ou alors un « trop trop »… formant une ambiguïté avec laquelle il est difficile de se placer. Est-ce que Morwenna s’invente ces fées et phénomènes qu’elle est (presque) la seule à percevoir comme une sorte de thérapie à sa situation malheureuse ? Est-ce la réalité ?
Le lecteur doute du début à la fin, tendant tantôt vers l’une des hypothèses, tantôt vers l’autre. Chacun peut ainsi choisir l’explication qui lui convient le mieux mais j’avoue que cet entre-deux m’a légèrement déçue. Les dernières pages ont sans doute accentué cette impression car nous offrent un final totalement inattendu car en complète rupture avec ce qui précédait. C’est violent, brutal, soudain et pas forcément très clair ; je ne suis d’ailleurs pas persuadée d’avoir tout compris.
Malgré tout, avoir un petit aperçu du folklore gallois n’est pas désagréable et apporte une atmosphère vraiment particulière au récit… on se surprend presque à tourner nous-mêmes la tête et à scruter les environs, peut-être une petite fée est-elle en train de nous épier et de se moquer de notre ignorance des codes et de la présence de la magie ?
Des livres et de la magie, voilà ce que possède et côtoie quotidiennement Morwenna, cette jeune héroïne de 15/16 ans, catapultée dans l’Angleterre de 1979/80. Si l’atmosphère magique et les références littéraires peuvent peiner à charmer le lecteur, je pense que peu resteront de marbre face à la personnalité de l’héroïne. Jeune, blessée et parfois difficile à vivre, je l’ai trouvée vraiment très forte, courageuse et terriblement touchante. D’ailleurs, elle évince tous les autres personnages qui, pourtant assez nombreux, tentent de graviter autour d’elle mais restent dans son ombre.
Du père grand lecteur au beau gosse du club de lecture en passant par la mère diabolique et les trois tantes inquiétantes, Mori côtoie finalement un bon paquet de monde malgré la solitude qu’elle semble rechercher dans la lecture… comme quoi, malgré les idées reçues, lire ne renferme pas forcément mais permet les rencontres et surtout le partage ! Tous les blogs littéraires existant aujourd’hui – sorte d’immenses clubs de lecture – le prouvent quotidiennement.
Une lecture imparfaite pour moi mais loin d’être dénuée d’intérêt et d’émotions. Morwenna a qui plus est l’avantage d’être assez ouvert pour séduire un large public, pas seulement les lecteurs d’imaginaire puisqu’il met en scène une adolescente fragilisée par la vie qui trouve du réconfort grâce aux fées et aux livres… Autant dire que cet amour de la littérature parlera aux nombreux lecteurs-blogueurs qui eux aussi dévorent les livres par dizaine ! Un beau message d’espoir que ce roman identitaire.
Illustration : portrait de Jo Walton trouvé sur Google.
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Je suis fan de la couverture! Même si tu n’en fais pas l’éloge, le livre a plutôt l’air sympathique 🙂
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Il me tente bien… Tous les livres ne peuvent pas être parfaits, et ta chronique est tout de même très encourageante !
J’avais déjà lu une critique sur ce livre et il me tente de plus en plus. C’est le genre d’histoire qui me touche en général !:)
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J’ai justement adoré ce vrai aspect fantastique, cette hésitation qu’a le lecteur jusqu’au bout quant à la magie présente dans le livre ! Je me suis aussi très fortement reconnue dans cette ado plutôt solitaire et grande lectrice, et j’ai beaucoup aimé que pour une fois la science-fiction soit mise à l’honneur de cette manière : en tant que lecture plaisir, réfléchie souvent, certes, mais pour autant accessible à beaucoup. (Je ne parle pas des affinités qu’on a ou non avec certains genres ou thèmes, c’est différent)
J’avais noté ce roman car il était cité dans un numéro de Lire comme le roman fantastique à découvrir. Et moi qui ne lis pas souvent ce genre de littérature, je pensais pouvoir être intéressée par le sujet. Ton avis en demi teinte me fait hésiter.