Charlotte et Thomas Pitt, Tome 1 : L’Etrangleur de Cater Street de Anne PERRY
Charlotte et Thomas Pitt, Tome 1 :
L’Etrangleur de Cater Street
de Anne PERRY
France Loisirs,
1998, p. 383
Première Publication : 1979
Pour l’acheter : L’Etrangleur de Cater street
Anne Perry (née Juliet Marion Hulme le 28 octobre 1938 à Blackheath près de Londres) est un auteur britannique deromans policiers victoriens. La jeunesse d’Anne Perry fut mouvementée, puisqu’elle fut poursuivie et condamnée, à l’âge de 15 ans, pour le meurtre de la mère d’une « amie très proche », accompli avec celle-ci. Cet épisode tourmenté de sa vie, ayant eu comme théâtre laNouvelle-Zélande où elle vivait alors, est directement à l’origine du film Créatures célestes de Peter Jackson (1994). Son propre rôle est interprété avec brio par Kate Winslet, dont c’est alors la première apparition au cinéma.
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Suffragette avant l’heure, l’indomptable Charlotte Ellison contrarie les codes et manières victoriens et refuse de se laisser prendre aux badinages des jeunes filles de bonne famille et au rituel du tea o’clock. Revendiquant son droit à la curiosité, elle parcourt avec intérêt les colonnes interdites des journaux dans lesquels s’étalent les faits divers les plus sordides. Aussi bien le Londres des années 1880 n’a-t-il rien à envier à notre fin de siècle : le danger est partout au coin de la rue et les femmes en sont souvent la proie. Dans cette nouvelle série « victorienne », la téméraire Charlotte n’hésite pas à se lancer dans les enquêtes les plus périlleuses pour venir au secours du très séduisant inspecteur Thomas Pitt de Scotland Yard.
Anne Perry est un nom souvent cité chez les lecteurs de Jane Austen. Prenant place dans l’Angleterre victorienne, les enquêtes et surtout les personnages de la saga Charlotte et Thomas Pitt semblent posséder un je-ne-sais-quoi d’austenien.
Inutile donc de vous dire que j’étais très curieuse de lire L’Etrangleur de Cater Street, premier tome de la série offerte par Anne Perry. C’est en compagnie d’Elodie que j’ai fait la connaissance de Cater Street et de sa population. Et j’ai apprécié. Beaucoup même ! Il ne m’a d’ailleurs pas manqué grand-chose pour que la lecture passe de très bonne à carrément excellente.
C’est dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle qu’Anne Perry – prolifique auteure aujourd’hui âgée de 75 ans ! – décide de placer les bases de ce premier tome publié pour la première fois en 1979. Sous couvert d’une enquête policière, l’auteure s’attarde surtout sur le côté sociologique ; c’est ce qui m’a le plus plu et ce que je retiendrai de ma lecture. Il faut l’avouer, si l’enquête reste plaisante à suivre, ce n’est en effet pas le point fort de ce premier tome. On se doute assez vite, si ce n’est du nom exact du coupable, au moins de la « famille » incriminée et la révélation finale n’est donc pas très surprenante.
En revanche, la façon dont l’enquête est menée et surtout les réactions des différents protagonistes me semblent particulièrement intéressantes. Face à plusieurs meurtres survenant dans un quartier restreint de l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, les personnages réagissent différemment de ce qu’on pourrait imaginer. Impossible pour eux d’envisager la possibilité d’un tueur en série qui opèrerait pour des raisons autres que purement matérielles (le vol par exemple) et encore plus inconcevable pour eux que le coupable soit l’un d’entre eux (de la « bonne société »), quelqu’un qu’ils côtoieraient tous les jours et qui pourrait ne pas être conscient de ses actes. Pour nous, lecteurs du XXIe siècle habitués aux œuvres de fiction (et aux faits divers) mettant en scène des serial killers, les meurtres en série et les troubles psychologiques sont entrés dans notre conception de la société et ne nous paraissent malheureusement plus si extraordinaires… L’inspecteur Pitt se heurte à l’incrédulité des personnages et doit mener l’enquête tant bien que mal, prouvant constamment les théories « révolutionnaires » qu’il avance. Voilà un aspect du texte vraiment intéressant, à mon avis.
Et si l’on arrive si bien à percevoir les troubles des différents personnages, c’est que ceux-ci sont extrêmement bien croqués. Les portraits, nombreux, sont précis, détaillés et surtout, intelligemment mis en place. Le lecteur se retrouve alors sans peine immergé dans la famille de Charlotte, héroïne en avance sur son temps que j’ai adoré suivre.
Deuxième d’une fratrie de trois sœurs, Charlotte fait fi des convenances. Elle ne veut pas être exclue de l’enquête et souhaite par-dessus tout se tenir au courant de son avancée, au grand dam de son père, conservateur qui exige que les femmes de sa maison restent à leur place, loin des journaux et des affaires sanglantes. Charlotte c’est un peu une Elizabeth Bennet un poil plus rebelle, vivant 80 années après l’héroïne austenienne : toujours la répartie qu’il faut, contre la place que la société victorienne voudrait lui imposer. J’ai beaucoup aimé sa rébellion « équilibrée », ni trop peu ni pas assez, juste ce qu’il faut pour la rendre vraisemblable. Et j’ai également beaucoup apprécié sa réaction face à l’inspecteur Pitt et l’évolution de leur relation, entre exaspération et gêne réciproque.
Un peu moins charismatique que la jeune femme (en tout cas pour le moment), Thomas Pitt n’en reste pas moins un héros que l’on a plaisir à rencontrer et qu’on espère retrouver le plus souvent possible au fil des pages.
Les autres personnages, formant essentiellement l’entourage de Charlotte, marquent par leur personnalité bien retranscrite. Exaspérants d’autorité patriarcale, ridicules dans leurs convictions complètement dépassées, touchants dans leurs attentes, tantôt amusants et aimables, parfois haïssables… la plupart ne laissent pas indifférents et apportent un éclairage intelligent sur les mœurs de la société victorienne anglaise.
Enfin, pour ceux qui pourraient redouter une intrigue se déroulant au XIXe siècle et donc un certain style littéraire qui en découlerait ; rassurez-vous, c’est plus qu’abordable pour les lecteurs du XXIe siècle que nous sommes ! On pourrait presque regretter une certaine distance entre le fond et la plume d’Anne Perry qui me paraît finalement assez moderne. Je n’irais pas jusqu’à parler d’énorme décalage entre les deux mais il est évident que le style employé n’a pas grand-chose à voir avec ce qui s’écrivait à la fin du XIXe siècle.
Malgré tout, je ne boude pas mon plaisir et félicite plutôt l’auteure pour l’atmosphère qu’elle a su mettre en place et pour ses dialogues, rythmés et ne manquant pas de charme (notamment lorsque Charlotte et Thomas Pitt se donnent la réplique).
C’est donc avec une impression plus que positive que j’ai refermé ce premier tome et c’est avec beaucoup de curiosité (et d’impatience) que j’envisage de lire la « suite ». Rassurez-vous, chaque opus peut se lire indépendamment des autres et peut se suffire à lui-même (chacun présente une enquête différente) mais si l’évolution des personnages récurrents vous intéresse, il vaut mieux lire la série dans l’ordre, à mon avis !
Images : Anne Perry en 2012 / Les deux acteurs principaux dans l’adaptation de 1998 (faut que je trouve ça !)…
Pour info, je souhaite troquer/vendre l’édition que je possède actuellement (cf la couverture)…
si vous êtes intéressés, faites-moi signe !
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Je viens de terminer ce premier tome, et je compte moi aussi lire la suite ! J’ai beaucoup aimé Charlotte et l’ambiance victorienne, notamment la description du foyer, où chacun occupe une place bien précise.
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Désolé pour ce commentaire un peu anecdotique, mais je suis sidéré : j’avais vu « Créatures Célestes », et je ne savais pas que Juliette Hulme, « Anne Perry », était devenue écrivain à succès après avoir purgé 5 années de prison pour son meutre, particulièrement atroce (45 coups de brique…) ! Le film m’avait bouleversé. Je vous rassure de suite, je ne suis pas un réactionnaire moraliste, et je pense qu’il est essentiel qu’un ancien criminel puisse se réinsérer dans la société, même en tant qu’artiste. D’ailleurs, je suis contre la peine de mort car un long séjour en prison permet, parfois, à un criminel de prendre conscience du mal qu’il a fait. Mais raconter cet assassinat dans un livre (« le meutre du siècle ») me parait plus que déplacé… d’autant plus qu’Anne Perry a déjà vendu 20 milions de bouquins. A contrario, je trouve l’attitude de Pauline Parker beaucoup plus digne : elle n’a jamais accordé le moindre interview et vit recluse dans un village en Angleterre. D’ailleurs, l’interview de sa soeur était très émouvante. Pour ceux que ça intéresse : https://web.archive.org/web/20060721114131/http://www.domusaurea.org/borovnia/hilary.html
Encore désolé pour ce commentaire, mais je suis stupéfait par la reconversion de Juliette Hulme en romancière à succès ! 😉 C’est incroyable…
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J’adore la personnalité de Charlotte, c’est le genre d’héroïne qui donne envie de lire, contrairement à celles qui geignent à chaque page !
Le « méchant » est assez facile à trouver je pense aussi mais c’est quand même sympa de suivre l’enquête.
Tout à fait d’accord avec toi au sujet des héroïnes ! Je sens que je vais aimer suivre Charlotte sur plusieurs tomes (et donc plusieurs années) ! 🙂
Et voila à cause de toi je viens d’aller faire un tour sur amazone. Je sais bien pourtant que c’est dangereux de lire tes chroniques quant tu as aimé le livre.
En tout cas encore une belle découverte à venir.
Hehehe ! J’espère qu’il te plaira autant que moi, mais a priori, il plaît à la majorité ! Bonne future lecture ! 🙂
Je rentre en France pour quelques jours et je compte bien le trouver car je voulais justement commencer cette serie la voyant sur plusieurs blogs!
C’est vrai qu’on le voit pas mal sur les blogs en ce moment… et pourtant, il ne vient pas de sortir !
Bonne future lecture !
Je suis entièrement d’accord avec ton avis, c’est une très bonne lecture sans être excellente et qui vaut surtout pour ses personnages et son univers que pour son intrigue.
Ton commentaire était parti dans les indésirable, j’ai failli le supprimer !
As-tu lu d’autres tomes Frankie ? Si oui, qu’en as-tu pensé ?
Je me rappelle avoir lu une de leurs aventures, et j’avais beaucoup aimé! C’était un achat par hasard et j’ignorais donc qu’il s’agissait d’une série, mais je ne m’étais pas sentie trop perdue, ce qui était assez plaisant.
Le couple Pitt est plein d’humour, Charlotte surtout: vive, espiègle, curieuse, une héroïne parfaite pour ce genre de série!
Te souviens-tu de quel titre c’était exactement ?