Entre chiens et loups, Tome 1 de Malorie BLACKMAN
Entre chiens et loups,
Tome 1
de Malorie BLACKMAN
Milan Macadam,
2007, p. 401
Première Publication : 2001
Pour l’acheter : Entre Chiens et Loups, Tome 1
Malorie Blackman (née le 8 février 1962 à Clapham à Londres) est une écrivaine britannique pour les enfants et les adolescents.
♣ ♣ ♣
Imaginez un monde. Un monde où tout est noir ou blanc. Où ce qui est noir est riche, puissant et dominant. Où ce qui est blanc est pauvre, opprimé et méprisé. Un monde où les communautés s’affrontent à coups de lois racistes et de bombes. C’est un monde où Callum et Sephy n’ont pas le droit de s’aimer. Car elle est noire et fille de ministre. Et lui blanc et fils d’un rebelle clandestin.
Lecture commune en compagnie de Cali, Marly et Sabrina, il semblerait – après nos premiers échanges – que je sois celle qui ressorte le plus convaincue par ce premier tome. Pas totalement emballée, je me rapproche tout de même des très bons avis généralement rencontrés pour cette saga.
Il semblerait qu’Entre chiens et loups soit présenté comme une dystopie. Effectivement, si vous vous attendez à un univers de science-fiction légèrement futuriste, vous risquez – comme Cali – d’être légèrement déçus. Malorie Blackman ne développe pas beaucoup le contexte dans lequel son intrigue prend place. Le lecteur apprend seulement que le racisme est « inversé ». Ainsi, ce ne sont pas les Blancs qui ont eu des esclaves Noirs mais le contraire et dans le présent de narration proposé, le clivage Blancs/Noirs est encore très présent, les premiers n’ayant que peu d’influence sur l’Histoire du monde alors que les seconds gouvernent, maîtres de la société. La haine entre les deux « races » est très forte, les tensions sont quotidiennes et les incidents diplomatiques se multiplient. Voilà ce que nous propose l’auteure… de bonnes bases à mon sens, mais trop peu développées.
On peut d’ailleurs généraliser ce reproche à d’autres éléments de l’histoire et de la narration : la forme du récit notamment. En effet, Malorie Blackman a choisi de « faire parler » ses deux héros tour à tour, grâce à une alternance des points de vue. Sur quelques paragraphe seulement, le lecteur suit soit Sephy soit Callum et passe très vite à l’autre. Difficile de bien s’installer dans les scènes puisque le cerveau doit sans cesse faire de la gymnastique. Cela dit, ce choix permet de dynamiser le récit et ne laisse pas la place aux temps morts.
Le rythme est également soutenu grâce aux (très) nombreux dialogues qui habitent les deux premiers tiers de ce premier tome. C’est bien simple, les 250 premières pages en sont quasiment exclusivement remplies. Les descriptions manquent donc cruellement et si les gestes et émotions sont bien représentés, l’ensemble reste flou car difficilement « palpable ». Heureusement, la dernière centaine de pages présente les deux héros de façon plus matures et même si les descriptions continuent à manquer, les dialogues s’éclipsent, l’introspection parait plus poussée, moins enfantine, plus grave.
Je n’oublie pas qu’il s’agit avant d’une série dédiée aux jeunes lecteurs, ce qui explique sans doute le côté « en surface » de ce premier tome. Malgré tout, Entre chiens et loups me paraît intéressant par bien des points, le premier étant la vive émotion qu’il fait ressentir à son lecteur. Cali parle de malaise et je suis assez d’accord avec le terme. Le public visé a beau être jeune, Malorie Blackman n’hésite pas à lui proposer des scènes violentes. Impossible de ne pas être retourné par la haine qui s’écoule de ces pages, par l’horrible destin qui attend les deux amis fatalement séparés par leur environnement. Pourtant, au début, on a envie d’y croire. On se dit que cette amitié/amour à la Roméo et Juliette a toutes les chances de réussir parce que malgré leur couleur de peau différente, Sephy et Callum sont comme les doigts de la main… Mais non, la famille, les amis, l’entourage plus ou moins proche mettent des idées en tête, font douter (d’ailleurs, ai-je loupé l’information ou n‘avons-nous pas du tout d‘explication quant à la rupture nette et soudaine entre les deux familles, au début du livre ?)… et l’on assiste, complètement impuissants, à la rupture de cette belle relation. Impuissant, mal à l’aise, triste et même parfois dégoûté, le lecteur ne peut pas parcourir ce livre sans rien ressentir et c’est ce qui fait sa plus belle force, à mon avis. C’est aussi, je pense (en tout cas je le souhaite), ce qui permettra aux jeunes lecteurs de se poser des questions et de réfléchir au racisme et à tout ce qu’il implique.
Ce premier tome d’Entre chiens et loups c’est aussi la rencontre avec deux jeunes adolescents qui, au fil des pages, vont grandir par la force des choses et vivre des aventures difficiles. De la préadolescente égoïste à la jeune étudiante en droit, Sephy fait un bond de géant. De son côté, Callum le discret et le pacifique s’adaptera à la violence de son environnement… et ne fera pas toujours les bons choix. Les deux adolescents, que l’on apprend « intimement » à connaître tout au long du récit (puisqu’on les suit tour à tour du point de vue interne) sont très attachants.
Bien sûr, on peut regretter quelques facilités dans leur personnalité mais dans l’ensemble, je trouve qu’ils évoluent bien et de façon crédible. En revanche, plus d’une fois j’ai eu envie d’aller les secouer pour qu’ils évitent de dire ou au contraire, se forcent à dire certaines choses qui ont un impact considérable sur la suite des évènements… Têtus et orgueilleux, ils auraient pu, plus d’une fois, arranger les choses simplement. Et c’est tellement bête (et agaçant) pour le lecteur quand les personnages en arrivent à des situations extrêmes juste parce qu’ils n’ont pas fait/dit ce qu’il fallait au bon moment… c’est tellement frustrant !
Les personnages secondaires sont essentiellement les membres des deux familles et on peut dire que Sephy et Callum ne sont pas gâtés. Entre une mère alcoolique, un père totalement absent (premier ministre) et une sœur qui ne comprend rien pour notre héroïne et des parents qui ne s’entendent plus, une sœur aînée ayant perdu la raison suite à un incident malheureux (que l’on découvre dans le courant de l’histoire) et un frère à l’esprit étriqué et trop extrême pour notre héros… Noir ou Blanc, riche ou pauvre, les deux adolescents ont une vie très difficile.
Encore une fois, le lecteur ne peut s’empêcher de se dire que si les humains étaient moins bornés dans leurs convictions (souvent stupides) et plus tolérants, tout ce gâchis pourrait être évité. Plusieurs scènes m’ont d’ailleurs profondément révoltée : au self, en classe, lors de l’enterrement de vous savez qui (pour ceux et celles qui ont lu ce premier tome)… je ne comprends pas qu’on puisse arriver à un tel niveau de haine surtout lorsque celle-ci est induite par l’habitude, par la pensée générale parce que l’individu ne sait pas réfléchir par lui-même.
Vous l’aurez compris, plus d’une fois j’ai eu envie d’entrer dans ce premier tome pour traiter tous les personnages d’imbéciles et pour tenter de leur ouvrir les yeux. La preuve que cet ouvrage, malgré quelques défauts (un contexte trop peu exploité, trop de dialogues au détriment des descriptions ce qui ne permet pas de visualiser un décor précis et donc laisse les scènes dans un certain flou…), n’oublie pas de nous faire réagir et surtout de nous faire ressentir quelque chose d’assez fort (même si le sentiment n’est pas très agréable). C’est ce que je préfère quand je lis : ressentir quelque chose ; parce que de lecture agréable, le texte se transforme en lecture marquante…
J’ai donc envie de vous conseiller la lecture de ce premier tome à vous (jeunes) adultes et pourquoi pas, de le faire découvrir aux adolescents qui vous entourent.
Les avis de Cali, Marly et Sabrina !
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J’entends énormément de bien sur ce titre, et malgré les petits bémols que tu mets en avant, cette lecture a l’air d’être marquante. Etant donné que j’ai été touchée/révoltée par Sweet Sixteen, je pense que cette thématique peut m’intéresser !
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