Le Secret de Lady Audley de Mary Elizabeth BRADDON
Le Secret de Lady Audley
de Mary Elizabeth BRADDON
Archipoche,
2013, p. 540
Première Publication : 1862
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Fille d’un avocat, Mary Elizabeth Braddon (1835-1915) est une femme de lettres anglaise à la vie hors norme. Ses parents se séparent alors qu’elle n’a que trois ans. Elevée sans mère, elle devient une femme indépendante. Elle se tourne vers le théâtre et devient actrice. Parallèlement elle contribue à divers périodiques en tant que poète et auteur de petits romans. En 1860, elle rencontre l’éditeur John Maxwell. C’est lui qui publie son premier roman. Ce dernier vit séparé de sa femme internée et élève seul ses cinq enfants. Mary-Elizabeth va s’installer avec eux et s’occupe des enfants jusqu’à la mort de Mme Maxwell en 1874, date à laquelle le couple convole. Auteur très prolifique, elle écrit en tout environ quatre-vingt roman, elle est aussi la créatrice du Belgravia Magazine en 1866. Elle y publie des récits de voyages, de la poésie et des romans dans le but de rendre la littérature accessible au plus grand nombre.
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Après trois années à chercher fortune en Australie, George Talboys est de retour au pays. Accueilli par son ami Robert Audley, avocat, il s’apprête à retrouver sa femme Helen, quand il apprend que celle-ci est mystérieusement décédée. À Audley Court, la propriété familiale où Robert a invité son ami, d’autres événements curieux se produisent. La tante de Robert, Lady Audley, évite de croiser George. Lequel, après s’être fait montrer un portrait d’elle, disparaît brusquement…
C’est, il y a à peine quelques mois, avec La Bienfaitrice de Elizabeth Von Arnim, que j’ai mis mon nez dans cette collection chez Archipoche de « classiques méconnus ». J’avais alors beaucoup apprécié la plume de l’auteure et souhaitais découvrir d’autres noms de la littérature anglaise du XIXe siècle. Mary Elizabeth Braddon m’était complètement inconnue avant que je mette la main sur ce Secret de Lady Audley et il me semble aujourd’hui dommage que ce nom n’est pas aussi bien traversé les siècles que ses prédécesseurs, Jane Austen et les sœurs Brontë par exemple.
L’ironie et la passion amoureuse ne sont certes pas les caractéristiques principales de ce roman, mais la maîtrise de l’intrigue policière mérite qu’on s’y attarde (quel est donc le fameux secret de Lady Audley ?). Mary Elizabeth Braddon est dorénavant un nom que je chercherai en librairie car nul doute que ses autres écrits auront également de quoi me contenter.
La première centaine de pages peut paraître un peu longuette car l’auteure prend son temps pour poser les bases de son histoire. Le lecteur découvre alors, dans le détail, les lieux qui abriteront le futur crime et il fait également la connaissance – assez intime – des principaux protagonistes à savoir les membres de la famille Audley : Michael le patriarche et propriétaire de la demeure, sa fille unique Alicia, sa nouvelle très jeune et très belle femme Lucy (baptisée plus généralement Milady), le cousin Robert (qui mènera l’enquête) et le meilleur ami de celui-ci George Talboys.
Pendant cette première partie introductive, les ficelles se mettent en place et ce n’est qu’assez progressivement que le lecteur met le doigt sur les fils qui relient certains protagonistes, apparemment étrangers les uns des autres (quel lien George Talboys possède-t-il avec la famille Audley, exceptée son amitié avec Robert ?).
L’étau se resserre et, soudainement, alors que Robert et George s’approchent de la demeure Audley pour faire la connaissance de la nouvelle Lady, George disparait, ne laissant aucune trace derrière lui si ce n’est la soi-disant déclaration de son départ précipité pour l’Australie. Robert tergiverse, cherche à en savoir plus, ne trouve pas grand-chose à se mettre sous la dent et s’apprête à accepter le départ incongru de son meilleur ami. Très vite pourtant, les doutes s’installent et des certitudes s’élèvent. Comme l’enquêteur, le lecteur comprend le crime, connaît le nom du coupable mais va devoir trouver des preuves irréfutables du délit en même temps que Robert.
Le crime commis, l’intrigue prend alors un nouveau tournant et le rythme s’accélère : Mary Elizabeth Braddon met l’enquête en place. Grâce à de nombreux allers-retours en Angleterre et dans le passé de son meilleur ami disparu, Robert va rassembler les preuves nécessaires pour mettre en avant la culpabilité du personnage qu’on soupçonne tous depuis le début.
A l’instar d’une enquête à la Colombo, ce n’est pas le nom du coupable qui importe (on le connait dès la première minute ou presque), mais le cheminement de l’enquêteur et la machine qu’il met en place pour réunir les indices indispensables.
Le suspens est peut-être un peu moins présent que dans un Agatha Christie (dans lesquels le lecteur s’amuse à trouver le nom et le mobile du criminel), apportant ainsi quelques petites longueurs de temps en temps, mais globalement, Le Secret de Lady Audley se dévore, un peu comme un page-turner version XIXe siècle.
L’intérêt du roman réside également et surtout dans ses personnages puisque Mary Elizabeth Braddon nous brosse des personnalités riches, complètes et complexes. Plus les pages défilent et plus le lecteur plonge dans les méandres du passé des figures principales, notamment dans ceux du coupable. Il découvre alors des secrets inavouables et surtout, de nouveaux visages derrière le masque des apparences. Les personnalités se révèlent et surprennent… c’est brillant.
Mary Elizabeth Braddon ne possède pas l’ironie d’une Jane Austen ou la plume percutante et rythmée d’une Agatha Christie, mais son style ne manque pas d’intérêt. J’ai certes relevé quelques longueurs (plus au cours de l’enquête que lors de la phase introductive d’ailleurs), mais je n’oublie pas de souligner la grande qualité visuelle de l’ensemble. L’anglaise maîtrise en effet l’art du détail, détails qui ne manquent pas dans les descriptions, sans pour autant trop alourdir celles-ci.
Grâce à ce sens de la précision, l’auteure plonge avec facilité son lecteur dans l’Angleterre du XIXe siècle. Outre l’enquête, c’est bien un roman psychologique et d’atmosphère qui se déroule.
A noter que derrière l’omniscience du point de vue (largement recentré sur le personnage de Robert la plus grande partie du texte), l’auteure s’adresse régulièrement à son lecteur, l’incluant ainsi plus facilement dans son intrigue.
Le Secret de Lady Audley ne fait pas un sans-faute, mais il me conforte largement dans l’idée de continuer ma découverte des auteurs « classiques » trop peu connus et réédités grâce à la collection Archipoche.
PS : Il semblerait qu’Archipoche soit assez coutumier des coquilles et autres erreurs textuelles… et il est vrai que ce roman en compte quelques-unes. Dommage, mais quand on est prévenu, ça passe un peu « mieux » !
Merci à Archipoche pour cette nouvelle découverte !
Merci à vous
Je tombe sur ce sujet un peu ancien, mais grand amateur de littérature anglo-saxonne du XIXème siècle, vous avez su me tenter et je ne regrette pas d’avoir lu ce livre.
Je vais en produire une version audio sur le site litteratureaudio.com.
Merci à vous !
Vincent
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Ta chronique me laisse malgré tout dubitative. Il faut d’abord que je suis habituée avec la musique « classique » au re-découvertes d’œuvres oubliées … et que c’est souvent pour de bonnes raisons qu’elles ne sont pas passées à la postérité.
J’ai la même impression à te lire … donc à voir si ce titre croise mon chemin.
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J’ai découvert Archipoche il y a peu de temps, et je suis vraiment ravie de cette découverte ! J’ai hâte de continuer à découvrir leur catalogue.
Quand à ce roman, quelques longueurs c’est vrai, mais j’ai beaucoup aimé dans l’ensemble !
Je n’en avais jamais entendu parlé! Et le nom de l’auteur met totalement inconnu. En revanche, je préfère évité les livres avec des coquilles, ça me gâche toujours ma lecture!
Je suis assez tatillonne sur ce point également, mais pour le coup, même si elles sont présentes, ce ne sont jamais des fautes très « graves », plus des mots en double, des mots inversés… ce serait dommage de passer à côté d’une lecture sympa pour ça. Il y a d’autres anciennes éditions du texte, peut-être sont-elles plus « propres » ?
J’ai très envie de le lire, déjà parce que je suis toujours curieuse de découvrir de nouveaux auteurs du XIXème siècle mais aussi grâce à ton avis ^^