Nocturnes de John CONNOLLY
Nocturnes
de John CONNOLLY
L’Archipel,
2013, p. 318
Première Publication : 2004
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John Connolly est un écrivain irlandais né à Dublin le 31 mai 1968. Avant de devenir un romancier à temps plein, John Connolly travaille comme journaliste, barman, fonctionnaire du gouvernement local, serveur et coursier au grand magasin Harrods à Londres. Il est surtout connu pour sa série de romans mettant en vedette le détective privé Charlie Parker.
Wikipédia.
♣ ♣ ♣
Vampires, maisons hantées, mal mystérieux qui se propage, mythe du Golem, démons prédateurs, fantômes vengeurs… Ce recueil d’une vingtaine de nouvelles aborde tous les genres du fantastique. Exemples :
Miss Froom est une vieille retraitée anglaise qui s’occupe de son jardin du soir au matin. Quand un étranger de passage lui offre son aide, elle accepte. Après tout, ce n’est pas si souvent que du sang frais se présente. Et puis, un corps séché ne constitue-t-il pas ensuite le meilleur des engrais ?
La maison de M. Gray est construite sur la tombe d’une réincarnation de Lilith. Le jour où il entreprend des travaux, il risque de réveiller quelques démons endormis…
Dans cette université anglaise très select, quelques élèves boursiers sont accueillis. À la fin de l’année, leurs os sont remis aux diplômés appartenant à la bonne société dans de jolis écrins garnis de velours…
Une anthologie sombre et obsédante. Un prétexte pour laisser la lumière allumée avant d’aller se coucher.
De John Connolly je n’ai pour le moment lu que Le Livre des choses perdues qui m’avait beaucoup plu. J’ai également eu l’occasion de rencontre l’auteur à Lyon, lors d’une édition des Quais du Polar et il m’avait alors fait forte impression : très abordable, gentil et généreux (et parlant un excellent français). Je m’étais alors juré de le lire davantage, notamment dans le genre du thriller. C’est donc avec une grande impatience et une grande curiosité que j’ai ouvert Nocturnes, un recueil de nouvelles qui promettait le frisson.
Finalement, si toutes ne m’ont pas totalement charmée, elles m’ont dans l’ensemble beaucoup convaincue et plus d’une semaine après ma lecture, j’en garde des souvenirs assez nets, ce qui prouve assez bien l’effet marquant et percutant qu’elles possèdent.
Ce recueil contient 19 nouvelles et s’ouvre sur la plus longue et donc la plus développée : La Balade du cow-boy cancéreux. Le ton est donné. A la lecture de ces quelques 70 pages, j’ai pensé tour à tour à l’ambiance des films Silent Hill et La Colline a des yeux : petite ville un peu isolée, créature étrange et « contagieuse »… et je n’étais vraiment pas loin en ce qui concerne le parallèle au deuxième long-métrage puisque John Connolly place son histoire dans le désert du Nevada où des expériences nucléaires ont eu lieu et ont entrainé tout un tas d’hypothèses particulièrement glauques et effrayantes.
Effrayantes, c’est l’adjectif qui qualifie le mieux ces 19 nouvelles. Vous y croiserez ainsi des démons, des fantômes et esprits malfaisants, des fées, des vampires, des loups-garous… tout un tas de créatures fréquentes dans les différentes cultures. Malgré tout, John Connolly, irlandais de souche, a grandi bercé par les coutumes et le folklore irlandais, ce qui se ressent, je trouve, dans certains textes. En effet, outre les intrigues se déroulant dans les églises auprès de curés/prêtres (je vous rappelle que l’Irlande est un pays encore très « croyant », les églises sont toujours très remplies), l’auteur met en scène les fées « traditionnelles ». On a souvent, à tort, une image pailletée et adoucie des gentilles fées ailées alors qu’il faut généralement se méfier de ces créatures cruelles et malicieuses. Ce sont elles, ou le Roi des Aulnes, qui viennent gratter à votre fenêtre la nuit. Ce sont elles qui attirent vos enfants dans des pièges et qui les remplacent par des leurres, souvent appelés changelings dans le folklore européen, notamment celte.
Je n’ai, dans l’ensemble, pas grand-chose à reprocher à l’auteur. Malgré la brièveté de certains textes (à peine une dizaine de pages), je n’ai jamais eu aucun mal à m’immerger dans l’intrigue, à imaginer les décors et les scènes entre les personnages. Je trouve que John Connolly possède une vraie maitrise du texte et parvient à nous offrir un panorama assez complet, des émotions assez fortes, en très peu de pages.
Il passe d’une narration interne (avec l’utilisation du « je ») à une narration externe – voire omnisciente (avec le « il ») avec une grande facilité, sans faire reculer l’intérêt du lecteur. En effet, il est parfois plus facile d’entrer dans un texte écrit à la première personne du singulier (pour une simple question d’empathie et d’identification) mais je n’ai eu aucun mal à me retrouver avec les autres. Dans tous les cas, j’ai été transportée auprès des personnages et j’ai vécu leurs aventures en même temps qu’eux. J’ai donc frissonné plus d’une fois et garde encore en tête, quelques images particulièrement frappantes (le père qui se réveille en sursaut au milieu de la nuit et trouve sa petite fille « changée » par les fées qui le fixe, debout à côté de son lit… quelle flippe !).
Je félicite, par la même occasion, les deux traducteurs qui ont sévi sur ce recueil : Danièle Momont et Thierry Beauchamp. Il me semble avoir eu une préférence pour les traductions de ce dernier, à moins que les thèmes des textes dont il s’est occupé me plaisaient plus à la base.
Je vous passe le résumé nouvelle par nouvelle, préférant vous offrir quelques mots sur celles qui m’ont le plus marquée (ça va être assez dur de choisir car toutes, ou presque, m’ont relativement plu !).
Je n’ajoute rien de plus sur celle qui ouvre le bal (La Balade du cow-boy cancéreux) ni sur celle qui revient sur l’histoire des changelings avec la fameuse scène effrayante que vit le père en pleine nuit (La Nouvelle enfant). Je préfère vous parler du Singe de l’encrier qui, même si elle est très attendue (notamment le dénouement) m’a plu ; on y découvre un écrivain subissant le syndrome de la page blanche qui, pour s’en sortir, fait l’acquisition d’un encrier bien particulier… ou encore cette histoire de clowns (Les Clowns tristes) qui confortera les coulrophobes dans leurs retranchements (et qui confirme l’idée que les clowns, faut s’en méfier… surtout si vous êtes un petit gamin innocent). Je n’ai pas forcément été très emballée par la chute de Un Vert très, très foncé, mais j’en garde un souvenir très net grâce aux descriptions très visuelles (encore plus que le reste du recueil, à mon goût…). En tout cas, j’avais une vision très claire de ce bassin naturel aux eaux profondes et insondables… et moi qui ai un peu – beaucoup – peur de l’eau dont on ne voit pas le fond…). J’ai en revanche, souri à la lecture du Bel engrais de Miss Froom qui, encore une fois, n’est pas une nouvelle totalement surprenante (on se doute des dernières lignes) mais qui fonctionne parfaitement bien. La spéléologie mise en scène dans Le Gouffre de Wakeford m’a un peu trop fait pensé au film The Descent qui m’a donné plus d’une sueur froide la première fois que je l’ai vu (et dès que j’y repense en fait…) ; après le cauchemar des eaux insondables, voilà la hantise des grottes sombres et inexplorées… quelle idée de s’y engouffrer aussi ! La dernière nouvelle – L’Auberge de Shillingford revient sur le thème de la bâtisse hantée et des phénomènes paranormaux qui peuvent s’y produire : hallucinations, notamment. Encore une fois, c’est très visuel et bourré de références. La chute, avec une pointe d’humour, m’a plu. J’aurais pu vous dire deux mots de toutes les autres, mais je préfère vous encourager à les découvrir par vous-même !
J’ai cité plusieurs titres de films dans cette chronique et j’ai plusieurs fois insisté sur l’aspect « visuel » de la plume de John Connolly. L’un ne va pas sans l’autre et il faut avouer que oui, l’auteur nous offre des histoires qui pourraient tout à fait être adaptées au cinéma… et c’est là la force de ce recueil, à mon humble avis.
Avec ces 19 nouvelles, il y en a, me semble-t-il, pour tous les goûts ! Plusieurs créatures de nos folklores apparaissent ; les héros sont des hommes, des femmes, des enfants ; la narration est tantôt interne, tantôt externe (voire omnisciente) ; les textes sont plus ou moins courts… mais tous sont immersifs et vous laisseront quelques images – effrayantes – en arrière-goût… c’est ce qu’on attend d’histoires horrifiques et ça fonctionne ! J’en redemande !
Merci à L’Archipel pour cette belle découverte !
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C’était un des rares Connolly que je n’avais pas lu, ta chronique m’avait donné très envie de rattraper cet oubli, c’est désormais chose faite !
Effectivement, dans ce genre d’exercice, on accroche à certaines nouvelles plus qu’à d’autres, même si je dois bien avouer que le recueil est d’un bon niveau globalement. Mes préférées étant probablement La Balade du cow-boy cancéreux, La Nouvelle enfant (il y a un film avec Kevin Costner qui en est adapté, mais le résumé parle de sépultures indiennes, donc je pense qu’on peut oublier les fées), et Les Clowns tristes. En tout cas, toutes sont immersives et cinématographiques, et savent diffuser un sentiment d’angoisse plus ou moins diffus.
A vrai dire, je me retrouve beaucoup dans ta chronique.
C’est un peu #PassionConnolly chez moi, ça se confirme encore une fois.
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J’ai toujours un peu dur avec les nouvelles, à cause de leur brièvetés justement 🙂