Les Chroniques d’un démon buveur d’âmes de Rodrigue PIBERNE
Les Chroniques d’un démon buveur d’âmes
de Rodrigue PIBERNE
Editions Terriciaë
2013, p. 222
Première Publication : 2013
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Rodrigue PIBERNE, jeune écrivain d’origine sarthoise, habitant désormais dans la région parisienne, a toujours été passionné par la littérature de l’imaginaire. Ayant dévoré dans sa jeunesse les écrits de Maupassant, Poe et Lovecraft, c’est tout naturellement que son premier roman, Les chroniques d’un démon buveur d’âmes, aborde l’univers du fantastique. Il y décrit un monde peuplé d’anges et de démons, où les humains ne sont que les pions d’un échiquier géant dont ils n’ont même pas conscience.
♣ ♣ ♣
Quand Nicolas rencontre pour la première fois Cylia, sa nouvelle colocataire, il est loin de se douter qu’elle va à jamais bouleverser sa vie. En effet, la belle demoiselle cache un lourd secret. Elle est un démon buveur d’âmes, une créature immortelle qui se nourrit du souffle de vie qui quitte les humains quand arrive leur mort. Par amour pour Nicolas, elle fait de lui l’un des siens. Malheureusement, les pouvoirs prodigieux qui accompagnent cette transformation font naître en lui une ambition démesurée, qui lui fera gravir la hiérarchie démoniaque jusqu’à atteindre le rang d’archidémon. Destitué dans des conditions tragiques, il deviendra Zent, un démon errant. Et c’est au détour d’une ruelle mal famée qu’il sera mandaté, bien malgré lui, pour mettre fin aux agissements du seigneur Daggoth, dont le but est d’asservir l’humanité toute entière. Au cours de cette quête, il bénéficiera de l’aide de Léa, un ange chasseur, ennemi juré de ceux de sa race, dans les bras de laquelle il retrouvera l’amour, ainsi que du Fléau, un monstre antédiluvien, qui lui confèrera une puissance phénoménale mais qui, en contrepartie, le dévorera petit à petit de l’intérieur…
C’est toujours un plaisir de découvrir un nouvel auteur (et une nouvelle maison d’édition), ainsi, lorsque Rodrigue Piberne m’a offert de lire son roman, j’ai accepté sans grande hésitation. Cette histoire de démon semblait proposer quelque chose d’original et m’intriguait donc particulièrement.
Si je salue effectivement l’originalité du thème et l’intérêt de son utilisation, je suis en revanche beaucoup plus sceptique au sujet des personnalités des personnages principaux et surtout des relations qu’ils entretiennent.
Le héros – Nicolas surnommé ensuite Zent – nous raconte son histoire (d’où le titre). On apprend donc que c’est suite à la rencontre d’une jolie jeune femme (pas si humaine que ça) qu’il acquiert sa nouvelle nature de démon buveur d’âmes. Les années qui suivent la transformation sont heureuses mais bien vite, le jeune homme se lance dans la chasse au pouvoir. Il veut devenir puissant et la place d’archidémon (démon supérieur siégeant aux réunions avec le très haut, celui dont on ne doit pas prononcer le nom) lui tend les bras. Pour grimper les marches de la hiérarchie, il faut être plus rusé que son voisin et surtout ne pas hésiter à employer la manière forte pour parvenir à ses fins (l’assassinat). Cette ascension va très vite connaître des revers et Zent va prendre un chemin très différent. Doté d’une mission de la plus haute importance, il devra s’allier, pour la mener à bien, avec ses ennemis les anges et… tombera amoureux de l’une d’entre eux.
Et c’est là que se situe, à mon avis, le gros bémol de cette histoire. Je n’ai, en effet, pas du tout cru et donc accroché à cette histoire d’amour et trouve même qu’elle gâche un peu le reste. Elle n’est pas sans intérêt, mais elle est mal amenée et traitée, à mon goût. Alors que Léa devrait détester le démon pour ses actes (qui l’ont personnellement touchée), elle lui pardonne très vite et tombe quasiment immédiatement amoureuse de lui : le coup de foudre ! Et c’est parti pour les mots doux et les câlins… c’est maladroit à mon sens et ne sert pas particulièrement l’intrigue principale qui elle est pourtant intéressante à suivre.
J’ai eu beaucoup de mal à comprendre les réactions de l’ange, sa prise de position pour son ennemi qui parait complètement démesurée… Ne l’ayant pas comprise, je n’ai donc pas réussi à l’apprécier et je n’ai pas particulièrement apprécié ses interventions, qu’elles apparaissent sous forme de dialogues ou dans le récit relaté par Zent, ou carrément dans les pages de son propre journal.
Car oui, ces chroniques contiennent également quelques chapitres du point de vue de Léa, quelques passages de son journal intime, dès sa rencontre avec notre héros. On découvre donc l’histoire, déjà connue grâce aux chapitres du journal de Zent, à travers ses yeux à elle. Si la comparaison d’une même scène grâce à deux points de vue différents (celui d’un démon puis celui d’un ange) peut s’annoncer intéressante ; elle n’apporte finalement pas grand-chose à part une répétition un peu lourde. Si Léa avait eu une vision complètement différente de celle du démon, si elle avait défendu celle-ci pendant un long moment (ou au moins pendant plus d’une page), là d’accord, la confrontation entre les deux aurait pu réellement être un plus. Là, les passages des deux journaux sont trop similaires et le point de vue de Léa n’apporte rien de nouveau à ce que le lecteur sait déjà.
Malgré tout, si j’ai parfois un peu soufflé sur les chapitres consacrés à la voix de Léa, j’ai en revanche globalement apprécié ceux contés par Zent. Son histoire est retransmise de façon agréable et j’ai aimé suivre ses aventures. Le style employé par Rodrigue Piberne est assez bon, et je note notamment le travail sur la concordance des temps. Son personnage principal s’exprime d’une belle façon et sans être un personnage particulièrement érudit, c’est un assez bon parleur. Sauf quand il s’attarde sur sa Léa et les sentiments qu’il éprouve pour elle. Je me répète, mais j’ai senti une très grande maladresse dans ces moments-là et je ne les ai que très moyennement appréciés (à vrai dire, j’aurais aimé qu’ils n’existent pas du tout !). Même si l’auteur n’est évidemment pas le premier à faire ce choix, placer un « méchant » en héros, et qui plus est en narrateur principal, c’est toujours intéressant à suivre. Et pour le coup, le démon est un méchant qui n’hésite pas à éliminer ceux qui se placent sur son chemin et qui, par amour du pouvoir, ne réussira pas à sauver celle qu’il aime. Encore une fois, il n’y a que lorsqu’il s’étend sur sa relation amoureuse qu’il perd un peu en intérêt…
Mais pour finir cette chronique sur le très positif, j’aimerais souligner l’originalité de la « mythologie » mise en place par l’auteur. Sans en faire des caisses, Rodrigue Piberne nous propose quelques créatures, notamment ces fameux démons buveur d’âmes, et leur offre caractéristiques, us et coutumes. Le lecteur n’est pas noyé sous les informations mais en reçoit suffisamment. L’ensemble se tient et j’apprécie. C’est un peu moins étoffé du côté des anges, mais dans les deux cas, on découvre une hiérarchie, des pouvoirs, des objets magiques… bref, une matière sympathique bien traitée.
Je terminerai avec quelques mots sur le dernier chapitre qui offre des passages d’un troisième et dernier journal, celui d’un personnage qu’on ne voit que peu mais qui, finalement, avait beaucoup à offrir. Si j’ai eu un peu de mal à me sentir proche de Léa et Zent, j’ai en revanche senti une véritable empathie pour l’histoire de cette troisième personne. Beaucoup d’émotions dans ces dernières pages… je regretterai même que l’intrigue n’ait pas pris une direction différente pour introduire cette figure plus longuement…
Globalement, je regrette un manque d’émotions pendant cette lecture, manque essentiellement du à ma non-empathie envers les personnages (notamment Léa, que je n’ai pas comprise). En revanche, j’ai apprécié la « mythologie » mise en place par l’auteur et si je laisse de côté l’aspect « romance » de l’histoire, j’ai trouvé l’intrigue agréable à suivre, assez rythmée sans non plus oublier les moments plus posés pour l’introspection du héros. Un premier roman qui n’est pas exempt de défauts mais qui a un certain potentiel.
Merci à Rodrigue Piberne pour cette découverte !
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Je serai assez tentée par cette histoire, parce la mythologie semble assez intéressante, et les méchants semblent vraiment méchants. Mais le côté romance mal amenée, me gêne un peu. Si ça ne rentre pas dans le caractère des personnages ( tu souligne qu’il s’exprime différemment en parlant de Léa ), ça me dérange un peu. A voir donc…
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